Comment fonctionne «Discord insoumis», l'outil numérique pro-Mélenchon?
POLITIQUE•Cette plateforme permet aux militants de La France insoumise de débattre et de proposer de nouveaux sites pour défendre les idées de Mélenchon…Oihana Gabriel
Quinze projets achevés, un seizième présenté ce mardi… Les militants mélenchonistes aux manettes du Discord insoumis ne chôment pas. Sur cette plateforme où chacun peut s’inscrire, une communauté de fans du programme de la France insoumise échange, débat, réfléchit et propose quantité d’applications, de jeux, de sites pour promouvoir les idées de Jean-Luc Mélenchon. Avec un double emploi de cette plateforme : à la fois forum pour poser des questions… mais aussi laboratoire pour accoucher de projets numériques innovants. Ainsi, c’est cette communauté qui a mis au point le jeu vidéo Fiscal Kombat que l’équipe de Mélenchon a relayé.
Quantité de sites pour promouvoir La France insoumise
Mais ce n’est pas leur seul fait d’armes. Au total, sur la page récapitulant les sites lancés, une quinzaine a déjà vu le jour. Parmi lesquels un melenchonouimais.fr, qui vise à lutter contre les clichés sur le candidat. Une foire aux questions, un site pour partager des tribunes, un autre qui détaille les propositions d’Emmanuel Macron, un comparateur de tous les programmes, une Web-radio…
Et un petit dernier présenté ce mardi : une application qui permettrait de savoir comment Jean-Luc Mélenchon prévoit d’utiliser les sommes du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pour relancer l’emploi.
La genèse d’un outil innovant
L’idée de créer un nouvel outil pour faire connaître les positions du candidat est née en décembre, sur un autre site, jeuxvidéo.com. « On était une trentaine à discuter de plusieurs thèmes et j’ai proposé qu’on se regroupe sur cette application Discord afin de partager nos idées, photos, propositions, projets pour réunir nos forces et être plus efficace », raconte Miidnight, un étudiant en informatique à l’origine de cette initiative. C’est chose faite en décembre. Et en trois mois, les chiffres n’ont fait que grimper. « On ne pensait pas que notre proposition rencontrerait un tel engouement, reprend l’étudiant de 21 ans. Sur Discord, on comptait la semaine dernière 15.000 membres actifs. Et 650.000 joueurs étaient inscrits sur Fiscal Kombat il y a trois jours. »
Un succès qui n’étonne pas Arnaud Mercier, professeur à l’Institut Français de Presse et spécialiste de la communication politique. « Il y a une profonde homologie entre la posture de Mélenchon, l’insoumission, la résistance et le profil de hacker de ce groupe, analyse l’enseignant. C’est une nouvelle ressource pour la culture libertaire. Autant dire que si Fillon s’appuyait sur ce genre d’outil, ça collerait moins… »
« La révolution, c’est la communication horizontale, pas le numérique »
Une vraie révolution dans la façon de faire de la politique ? « La révolution, c’est la communication horizontale, pas le numérique, tranche Miidnight. On s’est inspiré de la façon dont Mélenchon fait campagne, notamment les groupes d’appui. En clair, sur le site JLM2017, n’importe qui peut dire où il habite et qu’il souhaite participer à la campagne par des tractages, réunions, affichage… Et ainsi les personnes communiquent par mail pour s’organiser. Aujourd’hui il y a 3.500 groupes d’appui de la France insoumise. Nous, on propose un pendant numérique à cette démarche. »
Mais ces nouveaux outils pour faire campagne ont été promus par d’autres candidats et partis. « Bernie Sanders avait également recensé tous les arguments contre sa campagne en open source, une idée adaptée avec mélenchonouimais, explique Miidnight. Et on s’est aussi inspiré de ses idées pour rendre plus ludique le Mélenphone : si quelqu’un veut appeler pour poser une question, il a un espace personnalisé avec des points, des trophées à gagner… »
Mais plus largement, cette communication horizontale « rejoint l’esprit des Indignados et d’Occupy Wall Street, souligne Arnaud Mercier, spécialiste en communication politique. D’ailleurs, une des conseillères en communication de Mélenchon a été dans l’équipe de Bernie Sanders mais a également été voir Podemos en Espagne. »
Des militants, mais pas dans l’équipe de Mélenchon
Mais attention, cette communauté sur Discord insoumis se défend de faire partie de la garde rapprochée de Jean-Luc Mélenchon. « Moi je n’ai pas de carte d’un parti politique, je n’ai jamais milité mais je me suis senti légitime pour appuyer la candidature de Mélenchon, reprend l’étudiant de 21 ans qui administre la plateforme de façon bénévole. On a monté tous les projets de notre côté. Et j’ai rencontré l’équipe de Mélenchon à la fin du meeting de l’hologramme. »
Le 5 février donc, les communicants qui entourent le candidat apprennent l’existence de cette petite communauté particulièrement active et utile pour la campagne numérique de La France insoumise. « On a pris contact avec l’équipe lorsqu’on a lancé le site résumant le programme de l'Avenir en commun sur laec.fr pour des questions de droits d’auteur. Mais tout était déjà prêt ! Ils nous aident à la diffusion une fois que les sites et autres jeux sont finalisés », assure le jeune homme.
Une stratégie efficace ?
Avec quel résultat ? Difficile à dire pour le moment. « Cela permet d’attirer des électeurs qui en général s’abstiennent, reprend le spécialiste. Mais c’est une niche. En revanche, ce sont de bons relais militants, cela permet de perfuser dans le milieu libertaire. Ce n’est pas à destination du grand public mais plutôt des participants à Nuit Debout. »
En tout cas, cela vient conforter la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, qui s’est démarqué pendant cette campagne sur la Toile. « Utiliser les outils numériques pour renouveler le politique est une tendance de fond dans le monde entier qui va perdurer, avance Arnaud Mercier. Mais cela ne restera pas forcément associé à Jean-Luc Mélenchon. En tout cas dans cette campagne, c’est lui qui a le mieux réussi à utiliser ce désir de participatif. Mais ce Discord insoumis ne vient qu’en appui, le cœur de sa campagne c’est sa chaîne YouTube. C’est là sa rupture, c’est lui qui interviewe ses invités, il est devenu un youtubeur qui fait de la politique. Ensuite l’écosystème enrichit cette image. »