PORTRAITL'Uber mauvaise réputation de Travis Kalanick

L'Uber mauvaise réputation de Travis Kalanick

PORTRAITAprès des polémiques à répétition, l'entrepreneur fait face aux questions sur la culture de son entreprise...
Philippe Berry

Philippe Berry

2017, annus horribilis pour Uber. Après les accusations de harcèlement sexuel d’une ancienne employée, un procès pour vol de technologie intenté par Google et les leçons données par son fondateur à un chauffeur ruiné, le site The Information a révélé lundi que cinq cadres de l’entreprise ont fait la fête dans un bar à escorts de Séoul, en 2014. Une polémique de plus pour une start-up valorisée à près 70 milliards de dollars. Et à chaque fois, la personnalité contestée de son patron, Travis Kalanick, semble indissociable de la culture qui règne dans l’entreprise.

Ruine et chômage

Avant de connaître un succès planétaire avec Uber, présent dans 561 villes du monde entier, Travis Kalanick a galéré. Comme Bill Gates, Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, il abandonne ses études d’informatique à l’université UCLA, à Los Angeles, en 1998, pour rejoindre l’aventure du service de peer-to-peer Scour. Elle tourne court : la start-up dépose le bilan deux ans plus tard sous la menace d’Hollywood et de l’industrie du disque.

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Kalanick touche le chômage puis fonde Red Swoosh, une infrastructure P2P tournée vers le monde du business. Après un clash avec son partenaire, le jeune entrepreneur réalise qu’il n’a plus un sou pour payer ses ingénieurs et qu’il doit de l’argent au fisc américain. « J’appelle ça ma période ramens instantanées », raconte-t-il en 2011 à la conférence de l’échec, FailCon. « J’habitais chez mes parents, je n’arrivais pas à choper. C’était la lose. » Son sauveur ? Mark Cuban, qui investit un million de dollars. En 2007, Kalanick revend son entreprise à Akamai pour 19 millions de dollars.

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La revanche d’un geek avec Uber

Travis Kalanick ne l’a jamais caché, le cerveau derrière Uber, c’est son partenaire Garrett Camp. Mais si ce dernier a eu l’idée en 2009, Kalanick l’a fait exploser en 2010 lorsqu’il devient directeur général. Sa stratégie : s’étendre partout, même sans le feu vert des autorités, avec une haine des régulations administratives inspirée par le capitalisme décomplexé d’Ayn Rand.

Avec les millions arrive la notoriété. Et Travis Kalanick s’en délecte. Dans un portrait brossé par GQ début 2014, il se vante à propos de ses conquêtes et surnomme son entreprise « Boob-er ». Alors que la blogueuse Sarah Lacy s’attaque à une culture « qui perpétue la tradition sexiste et misogyne de la Silicon Valley », un vice-président de l’entreprise suggère d’enquêter sur la vie privée des journalistes trop critiques. Face au tollé, l’entreprise s’excuse mais aucune tête ne tombe. Idem quand en France, Uber lance une campagne à Lyon pour embaucher des mannequins comme conductrices et en fait la promo presque comme un service d’escorts.

La « bro culture »

Récemment, les accusations de harcèlement sexuel de l’ex-employée Susan Fowler ont remis la culture d’Uber sous le feu des projecteurs. Le New York Times, qui a interviewé de nombreux salariés, actuels et passés, décrit une ambiance tout droit sortie du Loup de Wall Street, notamment une fête privée à Las Vegas en 2015, avec Beyoncé sur scène et de la cocaïne dans les toilettes. Selon le quotidien, un manager aux mains baladeuses a été licencié après la plainte de plusieurs employées. Lundi soir, l’entreprise n’avait pas encore réagi sur cette sortie présumée dans un bar à escorts coréen.

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Le cas d’Uber n’est pas unique. Dans la Silicon Valley, où les millions font tourner les têtes, les geeks, après des années sans vie sociale, se métamorphosent en « bro-grammers », des programmeurs qui se croient dans une fraternité étudiante. Et les femmes, souvent en infime minorité dans ces start-up, en font parfois les frais.

Parfois, quand les scandales nuisent trop à l’image, les investisseurs évincent les fondateurs, comme chez Zenefits et Tinder. Mais Ariana Huffington, chargée de faire la lumière sur les accusations de harcèlement sexuel chez Uber, l’a assuré la semaine dernière : « Le board a confiance en Travis » et l’éventualité d’une démission « n’a pas été abordée ». Avec une valorisation de 68 milliards de dollars, Kalanick pèse plus de 6 milliards à lui tout seul. Et dans une Silicon Valley qui vénère les fondateurs à succès comme des figures messianiques, il est presque intouchable. Après la publication de la vidéo dans laquelle il explique à un chauffeur ruiné que « certaines personnes refusent de prendre leurs responsabilités pour leurs problèmes », le dirigeant a toutefois reconnu qu’il avait « besoin d’aide » pour devenir « un meilleur leader ». Et il a promis de recruter un directeur des opérations. Pour changer la culture de l’entreprise, pourquoi pas une directrice…