INTERNETMineurs et porno sur le Web: «Il faut que la régulation vienne de l’Europe»

Mineurs face à la pornographie sur le Web: «Il faut que la régulation vienne de l’Europe»

INTERNETL’association e-Enfance a mis en place un numéro vert pour conseiller anonymement et gratuitement parents et enfants…
Propos recueillis par Marie de Fournas

Propos recueillis par Marie de Fournas

Sites pornographiques gratuits, barrières à l’entrée peu efficaces, publicité ou fenêtres pop up intempestives… Se retrouver face à des contenus pornographiques sur la toile n’est pas anodin. Les parents se retrouvent parfois démunis et perdus lorsqu’il s’agit de contrôler la navigation de leurs enfants ou adolescents et les autorités aussi. Pourtant des solutions existent.

L’association e-Enfance est très engagée sur le sujet. Elle a d’ailleurs mis en place un numéro vert (0 800 200 000) pour conseiller anonymement et gratuitement parents et enfants. Sa directrice générale, Justine Atlan, a répondu aux questions de 20 Minutes sur le sujet.

En France, rendre accessible des contenus pornographiques sur Internet est interdit. Pourtant, il n’est pas rare de tomber sur des publicités lors d’une navigation n’ayant rien à voir.

Il faut garder en tête que plus on navigue sur des sites pornographiques ou érotiques, plus on laisse des traces, plus on reçoit alors ce genre de suggestion. Les publicités ciblent de mieux en mieux les centres d’intérêt des internautes en fonction de leurs activités sur la toile. On est donc co-acteur de ce que l’on reçoit comme pub ou suggestion.

Que peut-on faire pour éviter cela ?

Les enfants peuvent avoir un ordinateur différent de celui des parents ou simplement avoir des sessions personnalisées pour chaque membre de la famille. Sinon, il ne faut pas oublier de nettoyer son historique ou bien naviguer en mode privé.

Pourtant, malgré ces précautions, il arrive que des fenêtres de publicité à caractère pornographique apparaissent en grand nombre…

En général ces fenêtres pop-up apparaissent lorsque vous allez sur des sites illégaux, comme des plates-formes de téléchargement ou de streaming. La seule solution, c’est d’installer un programme type AdBlock sur l’ordinateur ou la cession de votre enfant ou ado pour éviter que ce genre de fenêtres surgisse.

Les parents sont-ils les seuls à pouvoir agir ?

C’est également aux régies publicitaires et au site d’être vigilants. Les régies devraient toujours faire attention sur quel type de site elle diffuse leurs publicités et les plateformes devraient être plus regardantes sur le contenu de toutes les pubs présentes sur leur plate-forme.

Les sites français avec des contenus pornographiques mettent une barrière à leur accès en demandant l’âge des internautes. Est-ce vraiment efficace ?

C’est plus une alerte pour expliquer que ce n’est pas recommandé ou interdit au mineur, mais rien n’empêche vraiment de tout de même y aller. Le second problème, c’est que beaucoup de sites pornographiques sur lesquels les jeunes se rendent souvent ne sont pas français et ne se soucient même pas de poser la question de l’âge. Des enfants ou des ados peuvent donc tomber dessus sans même avoir été dissuadé.

Le contrôle parental n’est pas un bon filtre face à cela ?

Il a été mis en place y a 10 ans, mais il était adapté pour le contrôle des contenus sur les ordinateurs. Aujourd’hui avec les tablettes, les portables, les Wifi gratuits et la 4G, ce n’est plus vraiment adapté.

On peut toujours télécharger des applications de contrôle parental. Elles s’installent sur le portable du mineur, mais les parents en sont les administrateurs. Lorsque vous achetez un téléphone pour votre enfant, précisez-le au vendeur. Plusieurs opérateurs installent directement ces applications. Le souci, c’est que tous ces petits outils ne marchent pas à long terme et ne résolvent pas le problème de fond.

Serions-nous impuissants ?

Le sujet n’est pas assez traité car la sexualité c’est toujours un peu tabou. Pourtant, il faudrait réunir tout le monde autour d’une table pour en parler. Les industriels de la pornographie, les politiques et les associations. Il faudrait également désigner une autorité de la régulation, en mesure de saisir les tribunaux en cas de besoin. Cela pourrait être le CSA par exemple.

Il faut aussi que l’incitation à la régulation vienne de l’UE. Que l’Europe impose un cadre réglementaire à tous les pays. C’est comme ça que l’on régule efficacement internet aujourd’hui.

Un exemple de régulation européenne qui fonctionne ?

Les jeux d’argent en ligne. C’est l’Union européenne qui a réglementé son fonctionnement sur internet, et il est très difficile pour un mineur d’y jouer. Une autorité de la régulation encadre ces sites et pour parier, il faut jumeler son profil à son compte en banque avec lequel il est très facile de savoir si une personne est majeure ou non.

Pour les sites pornographiques, c’est plus complexe car s’il faut fournir une preuve de sa majorité, cela signifierait que les adultes ne pourraient plus forcément naviguer dessus de façon anonyme. Ils n’y sont peut-être pas prêts… On réfléchit toujours à l’association à u juste compromis.