Salon de la Photo 2016: Le smartphone a t-il vraiment enterré l’appareil photo?
PHOTO•En crise à l’heure ou s’ouvre le Salon de la Photo à Paris, le secteur de la photo veut croire en son avenir avec des utilisateurs passionnés, dont beaucoup de jeunes, qui ont fait leurs premiers pas en photo avec un smartphone…Christophe Séfrin
«J’ai participé à des commissions où l’on niait les faits. Où l’on se disait entre nous que le smartphone n’aurait jamais d’impact sur le marché de la photo. » Philippe Farren, DG pour la France, le Royaume-Uni et le Bénélux de , vide son sac. Ces fameuses commissions ne sont pas si vieilles. Tout juste quelques années. Avant que le marché de la photo se n’effondre.
Alors que s’ouvre aujourd’hui le * à Paris, peu d’indicateurs restent au vert. Car oui, le smartphone est bien passé par là. « Aujourd’hui, 97 % des photos prises dans le monde le sont depuis un smartphone ou une tablette. Les 3 % de photos restantes sont, elles, prises depuis des appareils photos numériques, des caméscopes, des caméras d’action ou des drones », complète le patron de Pentax.
Des ventes qui dévissent depuis plusieurs années
L’impact du smartphone ? Deux chiffres fournis par le constructeur des Reflex ou le résument : en 2010, il se vendait 210 millions d’appareils photo dans le monde. Il ne s’en vend plus que 35 millions désormais. La France n’a pas échappé à l’érosion : selon le Gfk, il s’y est écoulé 2,7 millions d’appareils photos en 2014, 2,1 en 2015 et sans doute 1,5 millions en 2016. Contre 5 millions en 2010… Mais, tempère Claire-Anne Devillard, la directrice du marketing de : « il faut prendre du recul sur la taille du marché de la photo numérique qui a connu une bulle en termes d’équipement ».
Si l’on y regarde de plus près cette année, la crise touche plus particulièrement les appareils photo compact numériques dont les ventes ont dévissé de 27 % entre janvier et fin septembre 2016 (-16 % pour les Reflex et les Bridge, -8 % pour les hybrides). « On a moins de consommateurs, mais des consommateurs qui cherchent des produits plus qualitatifs », précise Claire-Anne Devillard. Confirmation auprès de Francis Dupas, le Président de la SAPC , une société coopérative à la tête d’un réseau de 110 enseignes Camara : « En magasin, on trouve des gens qui ont envie de matériel de plus en plus pointu, et notamment les nouvelles générations qui n’ont connu que le smartphone. Parmi eux, de plus en plus attrapent le virus de la photo et viennent nous voir. Soit ils recherchent du matériel compact à transporter souvent, soit des compacts experts, des hybrides ou des Reflex ». Les accros à l’ , au , au ou au Samsung assureront-ils le renouveau du marché de la photo ?
La génération « Y » dans l’objectif des constructeurs
« Notre challenge, c’est de capter ce potentiel de gens qui s’intéressent à la photo par le smartphone en les poussant plus loin avec des produits comme les compacts évolués, les hybrides, les reflex », note Nicolas Gilet, chef de groupe marketing chez . La génération des célèbres « gilets à poche » (les photographes passionnés à la tenue vestimentaire emblématique, NDLR) se verrait ainsi rejointe par la génération « Y », née avec le numérique.
« Nous constatons par exemple un vrai engouement des YouTubeurs pour notre », indique Claire-Anne Devillard chez Canon. Vendu 690 euros, ce compact expert peut tourner des vidéos à 60 images/seconde. L’appareil pourra d’ailleurs être pris en mains sur le Salon de la Photo.
Du matériel de plus en plus cher
« Le coeur des passionnés va continuer à être alimenté par les nouveaux entrants », prévoit lui aussi Arnaud Pézeron, le directeur du marketing d’. Car selon lui, « la constante reste l’attrait pour l’image ». Selon l’enquête annuelle SOMIPS/sociovision**, le smartphone demeure bien l’appareil préféré des Français pour faire des photos : 35 % des personnes interrogées le plébiscitent (contre 39 % en 2015). Mais parallèlement, le Reflex gagne des points. Cité comme appareil préféré par 22 % des sondés, sa proportion évolue de 4 % en un an. Autre signe encourageant selon l’enquête : 15 % des interrogés pourraient acheter un Reflex dans les six prochains mois. C’est 3 points de plus que l’an passé. Et alors que le marché de la photo veut se recentrer sur une clientèle de passionnés, le prix moyen des appareils photo est à la hausse de 15 % environ.
Oubliés les compacts à moins de 100 euros qui ont longtemps gonflé un peu artificiellement les chiffres de vente d’appareils photo. Si l’on veut réaliser de belles photos, la porte d’entrée est de 500 à 600 euros. Le prix d’un bon smartphone. « A ce tarif, on voit les choses différemment. Lorsque l’on prend des photos avec un smartphone, on mitraille. Lorsque l’on utilise un appareil photo, on prend le temps de soigner ses images », note Francis Dupas de la SAPC Camara. Et les tarifs peuvent s’envoler. Comme avec le tout nouveau E-M1 Mark II d’Olympus, un compact expert (vendu 2599 euros avec un objectif 12-40 mm) que le public pourra, pour la première fois au monde, prendre en main au Salon de la Photo.
Des innovations pour tirer le marché
« Macro, ultra grand angle, photo au téléobjectif… c’est difficile à réaliser avec un smartphone. Et on constate aussi la limite des capteurs photo des smartphones si l’on réalise des agrandissements », rappelle Philippe Farren de Pentax. Face à la qualité photo produite par les compact experts, les hybrides ou les Reflex, les constructeurs mettent également l’accent sur la mobilité avec des appareils plus petits et légers, mais aussi de plus en plus communicants. Nikon a par exemple développé sa technologie : chaque photo prise avec un de ses appareils photo compatibles est instantanément transmise en Bluetooth sur le smartphone de son utilisateur (en basse définition) pour être partagée dans l’instant. Et les constructeurs travaillent tous sur l’intégration de la , comme avec l’excellent de Panasonic, un hybride vendu 1.000 euros (avec optique 12-60 mm), à l’excellent rapport qualité/prix.
Dans l’ombre, le marché de la réalité virtuelle reste lui aussi plein de promesses… Donc, non : le marché de la photo n’est pas mort, loin s’en faut, et « il y a de vraies raisons de rester optimiste, avec une base d’utilisateur qui reste incroyable », rassure Claire-Anne Devillard de Canon. « On a moins de consommateurs, mais des consommateurs qui traquent des produits plus qualitatifs », note lui aussi Philippe Farren de Pentax. « Le marché est revenu à ses fondamentaux, à ce qu’il était au moment de l’argentique. Il est désormais ultra-concentré sur des gens qui pensent, qui parlent qui vivent photo et qui en veulent toujours plus », note enfin aussi Arnaud Pézeron chez Olympus. Surtout, il se renouvelle avec des consommateurs issus du monde du smartphone. Sans doute la meilleure école pour apprendre à faire de la photo.
* Jusqu’au 14 novembre, Paris Expo ; Porte de Versailles, Paris.
** Réalisée du 31 août au 15 septembre 2016 auprès de 1.535 personnes.