Livre numérique: On s'équipe pour les vacances ou jamais?
HIGH-TECH•Depuis 9 ans, les e-readers tentent de nous convertir au livre numérique. Avec les vacances, ils peuvent connaître un regain d’intérêt…Christophe Séfrin
Plutôt e-book ou bon vieux bouquin ? Si les vacances sont généralement propices à la lecture (c’est l’occupation préférée de 14% des Européens selon un sondage annuel Opodo), la question de l’encombrement des livres dans la valise peut se poser. Notamment pour les gros lecteurs. Solution : la liseuse électronique ou e-book qui permet d’emporter des ouvrages sans compter. « La liseuse est un appareil très léger. Son écran e-ink offre un confort de lecture parfait, même en plein soleil, et son autonomie varie de 2 semaines si on lit beaucoup à 2 mois si on lit peu », rappelle Alexandre Kreuz, responsable de l’offre numérique à la Fnac. Le prix d’une liseuse : de 89 euros pour un équipement basique à près de 300 euros pour un reader dernier cri à écran large et rétro éclairé.
Des ventes de livres numériques en hausse
En France, Amazon et ses Kindle et la Fnac et les liseuses Kobo se partageraient l’essentiel du marché, contraignant quelques autres fabricants comme Bookeen ou PocketBook à faire pour ainsi dire de la figuration. Sony, qui a longtemps défendu la lecture numérique avec d’excellentes liseuses, a fini par lâcher prise, faute de ventes suffisantes. Selon Kobo, entre 400.000 et 450.000 e-readers se vendraient en France chaque année, mais le marché aurait tendance à se tasser.
« Le marché de la liseuse est toujours en croissance, moins forte que lors des premières années, notamment parce que l’effet nouveauté est moins présent. La liseuse reste un objet apprécié pour les cadeaux de fin d’année », note Alexandre Kreuz. En 9 ans d’existence, le e-reader semble avoir atteint son seuil plancher.
Pour autant les ventes de livres numériques resteraient en hausse significative et représenteraient en France 6 % du total des ventes de livres, selon Kobo (et 6,5% du chiffre d'affaires du secteur en 2015, selon le Syndicat national de l'édition . Pas de quoi baisser les bras, donc. Amazon, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions pour ce sujet, vient d’ailleurs de lancer l’ Oasis, sa nouvelle liseuse au format mini mais au prix maxi : 289 euros.
400 000 livres en français dont 200 000 gratuits
Alors, s’équiper ou pas pour l’été ? Si, comme 50 % des Français lisant en vacances, c’est la plage que vous préférez (29 % de nos compatriotes lisent à l’hôtel, 17 % en avion ou en train et 4 % dans les cafés), la liseuse peut être une bonne alliée. Il existe même chez Kobo un modèle étanche (la Kobo H2O, vendue 179 euros) qui ne craindra pas les éclaboussures. Faible encombrement, lisibilité et choix de livres multiple restent les atouts de l’e-reader. Il y a aujourd’hui en rayon 400 000 livres numériques français, dont 200 000 gratuits.
Autre avantage de l’e-reader : on peut rester coquet et se passer de ses lunettes de vue, le corps du texte pouvant être agrandi à l’envi sur l’écran ! « Au début, c’est dur de s’habituer, d’autant que disparait la notion de papier et de possession de l’ouvrage », reconnaît Annie, convertie à la liseuse numérique depuis 2 ans. Mais qui s'est laissée séduire par la légèreté de l'objet.
« On sait que le principal frein à l’adoption de la liseuse reste sa méconnaissance. Si on confie une liseuse à des personnes qui n’en ont jamais essayé, 75 % se disent convaincues », constate Fabien Gumucio, responsable commercial chez Kobo. Qui regrette : « beaucoup de gens affirment aussi ne pas vouloir essayer parce qu’ils ont sans doute peur d’être convaincus ! ».
« Il y a une résilience très forte du papier, les gens aiment les propriétés du livre papier : bel objet, qualité des éditions, son odeur, son caractère ostentatoire sur une bibliothèque, le fait de pouvoir offrir, prêter, léguer. La liseuse est un outil technique que l’on a parfois peur de perdre, dont les livres sont plus difficiles à prêter », décrypte Alexandre Kreuz de la Fnac.
« C’est vrai que je n’ai pas pu prêter le dernier Christian Grey ! », s’amuse Annie, notre lectrice numérique qui vient de troquer son vieux Kindle contre un iPad. « J’en apprécie davantage la typographie et je peux lire la nuit la lampe de chevet éteinte », déclare-t-elle. Des liseuses à écran rétro éclairé le permettent aussi. De son côté, Gilles, rencontré en avion, s’est récemment fait prêter une liseuse pour un voyage à l’étranger : « J’ai trouvé l’appareil très pratique, hyperléger, disponible à tout moment, mais les deux livres que j’y ai lus avaient à mes yeux comme perdu une partie de leur identité. Le plaisir de lecture était là, mais sans le supplément d’âme que lui donne le papier ».
Des livres moins chers en général
Si longtemps les nouveautés étaient absentes chez les libraires numériques, à peu près tous les nouveaux livres sont aujourd’hui numérisés. Les aficionados peuvent même se les procurer le jour de leur sortie à minuit, quelques heures avant que les librairies de quartier n’ouvrent leurs portes !
Le prix des livres numériques ? Il est globalement moins cher, mais loi Lang oblige, il reste fixé par les éditeurs et unique pour les revendeur. Le dompteur de lion de Camilla Läckberg est à 23 euros sur papier et 17 euros en téléchargement (soit 26 % de moins) ; Le temps est assassin de Michel Bussi est à 21,50 euros sur papier et 14,99 euros en numérique (soit 30 % de moins) ; La fille de Brooklyn de Guillaume Musso est à 21,90 euros sur papier et 13,99 euros en numérique (soit 36 % euros de moins). Des réductions significatives, mais encore insuffisantes aux yeux de beaucoup.
Des freins au développement du numérique
C’est un fait : en France, les maisons d’édition font tout depuis l’arrivée des premières liseuses en 2007 pour protéger le livre de papier. Il n’est par exemple pas question pour elles d’offrir une copie numérique d’un ouvrage si on l’achète sur papier. Cela se pratique pourtant désormais largement dans l’univers de la vidéo. Mais la peur du piratage reste forte. Et l’idée du « deux pour un » dégrade aux yeux des éditeurs la valeur perçue des œuvres… alors que ce pourrait être un service rendu au lecteur.
Reste que certains éditeurs, comme Harlequin, se frottent les mains. Car avec une liseuse, on peut aussi lire un roman léger et sulfureux sans que cela se sache. Ainsi, Harlequin réaliserait 15 % de ses ventes en numérique… Une belle histoire d’amour.
Même si en France la liseuse ne rencontrera sans doute jamais le succès qu’elle a connu outre-Atlantique (où, après avoir atteint 22 % du marché de l’édition, les ventes s’effeuillent désormais…), elle conserve des atouts. En acquérir une ne signifie pas renoncer au papier. De nombreux lecteurs jouent sur les deux tableaux et ressortent leur liseuse du placard à certaines occasions. Visiblement, ils la privilégient d’abord en vacances.
« On constate une forte complémentarité entre ces deux usages, les lecteurs numériques continuent d’acheter du livre papier et nous constatons des cycles d’utilisation intensive de la liseuse en période de vacances en particulier, où les propriétés de cet objet (mobilité, légèreté, praticité) font mouche », précise Alexandre Kreuz. Selon nos informations, les ventes de livres numériques explosent dans l’Hexagone depuis quelques semaines.