«Watch Dogs» pour se mettre dans la peau d’un pirate informatique
JEU VIDEO•Le blockbuster d’Ubisoft expose les thèmes brûlants d’actualité du piratage informatique et de l’accès aux données…Joel Metreau
L’iPhone et les réseaux sociaux alimentaient les conversations en 2009. Ce qui a mis la puce à l’oreille de l’équipe d’Ubisoft Montréal chargée de plancher sur un nouveau blockbuster. C’est ainsi qu’est né «Watch Dogs», qui sort le 27 mai, avec un héros capable de pirater les systèmes informatiques avec son smartphone.
«On voulait mettre le joueur dans la peau d’un hacker, explique le scénariste Kevin Shortt. Car pour faire comprendre les notions de vie privée et d’accès aux données, on ne peut pas juste se placer du côté des victimes.» Dans «Watch Dogs», Aiden Pearce se promenant dans Chicago peut dérouler les secrets de ses habitants en un mouvement de doigt. Fan de zombies? Sous un traitement aux hormones? En rémission de cancer?
La NSA et les révélations de Edward Snowden
Tout est connecté. «Cela fait une dizaine d’années que notre environnement technologique s’est multiplié avec les mobiles et Internet. On en consomme et ça nous aide, remarque Thomas Geoffroyd, qui gère la marque Watch Dogs. Mais depuis un an ou deux on commence à prendre du recul et à repenser notre relation avec la technologie», estime-t-il en évoquant la NSA et les révélations de leur ancien employé Edward Snowden. «Le jeu ne dit pas que la technologie est mauvaise, précise Kevin Shortt, mais il faut savoir qui la contrôle et comment elle peut être manipulée.»
«Avant l’an 2000, si tu faisais de l’informatique, t’étais un blaireau»
C’est ainsi qu’Ubisoft a fait appel à des experts en sécurité et des hackers pour rendre le jeu plus réaliste, du moins plus crédible. Comme Jonathan Brossard, qui peste contre les représentations des hackers dans les médias grand public: «Avant l’an 2000, si tu faisais de l’informatique, t’étais un blaireau: looser, asocial, sans amis. Aujourd’hui, l’image du hacker a changé, il est perçu comme un rebelle.» Lui a accepté de donner sa caution à «Watch Dogs» car «tout le hacking présent dans le jeu provient de recherches qui ont été publiées ces deux ou trois dernières années et qui du coup est complètement crédible: piratage de caméras, de voiture et de téléphone…»
Le jeu ne prétend pas coller complètement à la réalité. Aiden Pearce peut dérober des voitures avec son portable. «Mais en réalité, pirater une voiture cela demande six mois de travail pour comprendre la technologie derrière, s’amuse Jonathan Brossard. Pour un jeu mainstream, si on demande de résoudre des équations différentielles et de faire de la rétroingénierie, ça risque d’être rébarbatif.» C’est clair.
Davantage d’attaques visant les systèmes
Toutefois, «Watch Dogs» envisage aussi le futur du piratage, comme celui des feux de circulation et des ponts levants dans Chicago. Une cybercriminalité qui pourrait se répandre selon Vitaly Kamluk, expert de Kaspesky qui a aussi travaillé sur le jeu. «On va voir de plus en plus d’attaques de SCADA, raconte-t-il. C'est-à-dire des systèmes pour contrôler les ascenseurs, les vannes à eaux, des feux de circulation, les vannes de gaz, les lumières dans un building. Ils ont été designés pour opérer pendant une longue période, sans interruption. Du coup, ça devient compliqué de les mettre à jour. Et en les connectant à Internet, on les expose à des attaques.» Avec le piratage des radars sur les routes à Moscou en janvier dernier, la réalité a déjà rattrapé la fiction.