Facebook: Pourquoi le rachat de WhatsApp pour 19 milliards de dollars n'est pas totalement fou
WEB•Mark Zuckerberg parie sur le mobile, les marchés émergents, et une app de messagerie à la croissance explosive...Philippe Berry
De notre correspondant en Californie
Quand Facebook a fait un chèque d'un milliard de dollars pour Instagram, en 2012, la somme semblait exorbitante. Deux ans plus tard, avec une base d'utilisateurs multipliée par cinq, le coup de poker de Mark Zuckerberg s'est transformé en coup de génie. Le rachat de l'app de messagerie WhatsApp pour 19 milliards de dollars, annoncé mercredi, suivra-t-il la même route? Eléments de réponse avec Brian Blau, analyste chez Gartner.
19 milliards de dollars!?
Sous réserve du feu vert des autorités, Facebook va racheter WhatsApp pour 16 milliards de dollars: quatre milliards en cash et l'équivalent de douze milliards en actions. S'ajouteront trois milliards en titres pour les employés de WhatsApp, qui continueront leur travail de manière autonome. «La somme est gigantesque, surtout pour une entreprise relativement petite» de 55 employés, reconnaît Brian Blau. Mais au-delà de «l'effet choc» du montant, il estime que Facebook «voit de la valeur sur le long terme».
450 millions d'utilisateurs mensuels, c'est plus que...
… les 300 millions de Skype quand Microsoft avait déboursé 8,5 milliards en 2011. Que les 240 millions actuels de Twitter, valorisé à 30 milliards de dollars en Bourse. Surtout, il s'agit de 450 millions d'utilisateurs mobiles, très courtisés, et 70% utilisent Whatsapp tous les jours, une rétention quotidienne supérieure aux 60% de Facebook.
Une croissance explosive
Ce graphique, fourni aux actionnaires, compare la croissance de WhatsApp à celle d'autres poids lourds. Après quatre ans d'existence, l'app de messagerie compte trois fois plus d'utilisateurs que Facebook et Gmail à la même époque, et huit fois plus que Skype et Twitter. Elle se poursuit au rythme d'un million supplémentaire chaque jour. Selon Mark Zuckerberg, «WhatsApp est bien parti pour rapidement atteindre un milliard d'utilisateurs».
Facebook va toucher des marchés-clés
A l'exception de la France, WhatsApp est populaire presque partout en Europe: Royaume-Uni, Espace, Italie, Allemagne et Pays-Bas, notamment. La messagerie fait également fureur en Amérique latine et au Mexique, et décolle dans certains marchés émergents en Asie comme l'Inde et Singapour. En Chine, au Japon et en Corée, les leaders locaux WeChat, Line et KakaoTalk dominent largement.
Facebook élimine une menace future
L'envol d'Instagram menaçait Facebook. Celui de WhatsApp, SnapChat, WeChat ou Viber, aussi. «Notre temps est limité et nous le partageons entre différentes app», note Brian Blau. Selon lui, Facebook doit donc «multiplier les produits, en interne ou par des rachats» pour rester devant, notamment chez les ados. 50 milliards de messages transitent (entrants et sortants) par WhatsApp chaque jour. Selon Blau, «il ne s'agit pas que d'un remplacement aux SMS», déjà dépassés en 2012 par les messageries mobiles. Le partage de photos et de vidéos est bien plus rapide que via MMS, tout comme les discussions de groupe. 500 millions de photos sont échangées chaque jour sur WhatsApp.
N'y a-t-il pas doublon avec Facebook Messenger?
Pas complètement. Selon Zuckerberg, Whatsapp est davantage porté sur le temps réel. Surtout, Facebook Messenger, lancé tardivement sur mobile en 2011, n'a jamais vraiment explosé.
Mais avec quel business model?
Là, c'est moins clair. Lors d'une conférence téléphonique destinée aux actionnaires, Mark Zuckerberg a botté en touche. «Nous nous concentrons pour l'instant sur la croissance de la base utilisateurs. Quand un service atteint un milliard d'utilisateurs, il acquiert mécaniquement de la valeur», selon lui. Le directeur de WhatsApp, Jan Koum, rejette catégoriquement l'idée d'insérer de la publicité. Sur son bureau, il garde même un post-it «Pas de pub, pas de jeux, pas de gimmicks». Mark Zuckerberg estime, lui-aussi, que la publicité «n'est pas la solution pour une app de messagerie mobile». Jusqu'à ce qu'il change d'avis? «Pas forcément», répond Brian Blau. Selon l'expert, d'autres pistes de revenus, comme une hausse de l'abonnement, actuellement fixé à 99 cents par an après une année gratuite, sont envisageables. Dans l'immédiat, Whatsapp, qui ne compte que 55 employés et dépense zéro dollar en marketing, ne perd pas d'argent. Twitter ne peut pas en dire autant.