Le pari réussi de la mozzarella made in Alsace
GASTRONOMIE•Sophie et Michaël Christmann, jeunes producteurs de mozzarella en Alsace, fraîchement médaillés d’argent parmi les meilleures mozzarella de France, ont réussi le pari d’une exploitation pas forcément attendue dans la régionGilles Varela
L'essentiel
- Sophie et Michaël Christmann du Domaine des Bufflonnes à Uhrwiller dans le Bas-Rhin produisent l’une des meilleures mozzarella de France.
- Tous deux en reconversion professionnelle, se sont lancés en 2018 dans la production de ce fromage à pâtes Filetée au lait de bufflonnes et rencontre beaucoup de succès auprès des consommateurs.
- Parti de rien et sans connaissances sur la production de ce fromage, leur cheptel de bufflonnes élevées en plein air s’élève aujourd’hui à 80 animaux.
Passionnés et « un peu fous » pour se lancer dans une telle aventure sans rien y connaître, Sophie et Michaël Christmann, du Domaine des bufflonnes à Uhrwiller dans le Bas-Rhin, ont réussi leur pari : produire en moins de quatre ans d’exploitation l’une des toutes meilleures mozzarellas de France. Ils sont les seuls à le faire dans le Grand-Est, et si peu en France à produire ce fromage à pâte fileté au lait de bufflonnes. Sur l’ensemble du territoire, les producteurs de mozzarella se comptent sur les doigts de trois mains.
Pas plus de quatorze sont producteurs de leur lait et le transforment, ou des fromagers. Le couple alsacien, et c’est certainement ce qui fait toute sa force, élève des bufflonnes et transforme son propre lait. Ces dernières paissent tranquillement au plein air, dans le champ d’un village voisin.
Et ce n’était pas gagné en 2018 lorsqu’ils ont décidé de quitter leur emploi de technicien du syndicat des eaux pour Michaël, et de responsable animation qualité chez De Dietrich pour Sophie. Une décision qui a tout d’abord surpris certains, leur reprochant parfois de vouloir ramener au village des animaux dangereux. « On m’a même dit que cette idée méritait un bonnet d’âne… Je suppose qu’ils confondaient les bufflonnes avec les buffles d’Afrique ou je ne sais quoi, même s’il est vrai que la bufflonne a un certain caractère » sourit Sophie Christmann.
Un cheptel de 80 bufflonnes
Peu importe, sans connaissance, ils ont monté leur plan de financement, restructuré leur domicile et le corps de ferme familial, rencontrés des professionnels, un tuteur fromager basque qui n’avait jamais fait de mozzarella, et acheté des bufflonnes en France et en Allemagne. Aujourd’hui, ils peuvent compter sur un cheptel de « 80 bufflonnes dont 35 à 40 mères », en attendent dix autres et vont significativement agrandir leur structure afin d’accueillir les clients.
Ils croyaient en leur projet et ils ont bien fait car ils se retrouvent sur un marché très porteur. Les Français consomment depuis cette année plus de mozzarella que de camembert. Presque un sacrilège au pays du fromage. « 29.230 tonnes de camemberts en France ont été vendues depuis janvier contre 33.170 tonnes de mozzarella » expliquait dernièrement au Figaro Fabrice Collier, président du Syndicat normand des fabricants de camemberts (SNFC).
Médaille d’argent de la meilleure mozzarella de France
Portés par leur succès et les retours des clients rencontrés sur les marchés occasionnels, les quelques boutiques où elle est vendue ou lors de vente directe chez eux le samedi matin, ils savent que leur mozzarella ainsi que leurs autres fromages à pâte molle au lait de bufflonnes plaisent. Leur produit a même été couronné médaille d’argent de la meilleure mozzarella de France lors d’un concours en avril dernier dans une émission gastronomique sur Paris Première. Une première consécration mais qui a surtout « renforcé notre sentiment de légitimité, celle de bien faire », confie Sophie Christmann. D’autant plus que « le vainqueur est un italien qui s’est installé près de Carcassonne, les troisièmes et quatrièmes sont d’origines italiennes. »
S’ils tiennent à garder précieusement leurs secrets de fabrication, les Alsaciens reconnaissent avoir tâtonné et beaucoup travaillé avant d’arriver à une mozzarella « à leur goût ». Légèrement crémeuse ou plus ferme selon la rapidité entre la traite du lait et la confection du fromage, la mozzarella alsacienne est avant tout le fruit d’un travail et de recherches intenses.
« Le goût peut varier, détaille Sophie Christmann. Cela dépend de l’herbe, de la nourriture, de l’eau, de la saison, de l’hydrométrie, du moment de la traite. Il n’y a pas de recette, il y a une base mais après il faut observer votre fromage, parce qu’il réagit différemment chaque jour. Il y a toujours un moment critique, celui où l’on sort le lait caillé de la cuve, le coupe avant de le mettre dans la filatrice. Si vous ne le faites par au bon moment, vous avez raté votre mozzarella, détaille la productrice Et puis il faut surtout obtenir de la régularité dans le produit malgré toutes ces composantes… » Autant de paramètres que le couple a appris très rapidement à gérer. Et même excellemment bien pouvons-nous ajouter pour l’avoir goûté.