Les associations de familles de victimes, aiguillon pour l'institution judiciaire

Les associations de familles de victimes, aiguillon pour l'institution judiciaire

Les associations de familles de victimes, très actives dans les ...
© 2012 AFP

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Les associations de familles de victimes, très actives dans les crimes non élucidés, font office d'aiguillon pour l'institution judiciaire qui, si elle se méfie encore de ces "empêcheurs de tourner en rond", commence à les voir comme "une force de proposition".

En décembre dernier, 25 ans après le meurtre de Christelle Maillery, collégienne de 16 ans tuée de 31 coups de couteau le 18 décembre 1986 au Creusot, en Saône-et-Loire, un homme de 44 ans est mis en examen.

Cette piste avait été mise au jour par un enquêteur privé payé par l'Association Christelle, qui regroupe les familles de sept jeunes filles assassinées entre 1986 et 1999 dans ce département, permettant la réouverture du dossier avant que la police judiciaire ne reprenne la main.

"Si j'étais restée toute seule, il y a longtemps que mon dossier aurait été fermé", estime Marie-Rose Blétry, la fondatrice de l'association, à propos de l'assassinat de sa fille tuée de 123 coups de couteau le 28 décembre 1996.

"On croit toujours que la justice va faire son travail. Mais au début on a eu du mal a rencontrer le juge d'instruction en charge de mon dossier", raconte Mme Blétry qui, "pour mieux se faire entendre", a eu recours à un cabinet d'avocats "parisien".

Désormais, elle en est convaincue, "si les familles ne sont pas des parties civiles actives, on ne vient pas vous chercher".

Pour Me Didier Seban et Me Corinne Herrmann, les avocats de l'association, la justice est "une des institutions de la République qui a le moins de regard critique sur elle-même".

Egalement présents dans les affaires des "disparus de l'Isère" (ces neuf enfants tués ou portés disparus entre 1983 et 1996) et des "disparues de l'Yonne" (où sept jeunes femmes avaient été tuées entre 1975 et 1979), Me Seban estime que "la médiatisation est parfois la seule façon de faire rouvrir les dossiers".

Me Herrmann a récemment obtenu, à l'initiative de la famille, la réouverture du dossier sur le meurtre jamais élucidé de Sophie Borca, 16 ans, retrouvée morte en 1985 près de Saint-Quentin (Aisne).

"Généralement, l'accueil que l'on reçoit dans les parquets est plutôt glacial, parce qu'on est des empêcheurs de tourner en rond", conclut Me Seban.

De son côté, Jean-Marie Beney, procureur général à Dijon, assure voir ces associations comme "une force de proposition intelligente, car elle connaissent parfaitement le dossier" et sont "un apport à l'enquête".

Arrivé à la tête de la juridiction bourguignonne en mai 2007, il dit avoir donné des directives pour que les familles de victimes de Saône-et-Loire soient reçues par le procureur de la République et le juge d'instruction.

Sur le terrain, les enquêteurs disent partager cette approche. "On prend en compte le point de vue des associations, non pas par pression, mais pour ne pas passer à côté de quelque chose", assure Paul Montmartin, directeur de la police judiciaire à Dijon.

"Ne pas examiner une nouvelle piste, c'est une faute", ajoute le lieutenant-colonel Francis Hans, patron de la section de recherche de la gendarmerie dijonnaise.

Le procureur de Chalon-sur-Saône, Christophe Rode, craint pour sa part le risque de "dérapage" à l'américaine avec les enquêteurs privés. "Les actes d'enquête et les expertises doivent être financés par l'institution judiciaire, sinon, il y a un problème d'inégalité de moyens face à la justice", estime-t-il.

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