Le poulet industriel fait voler des plumes dans le Gers
•L'ouverture prévue de poulaillers industriels d'où sortiraient des millions de volailles n'ayant jamais vu la lumière du jour sème la discorde dans le Gers, où un bon poulet est réputé avoir été élevé en plein air.© 2011 AFP
L'ouverture prévue de poulaillers industriels d'où sortiraient des millions de volailles n'ayant jamais vu la lumière du jour sème la discorde dans le Gers, où un bon poulet est réputé avoir été élevé en plein air.
Vivadour, puissante coopérative bien placée pour connaître la réputation du poulet gersois puisqu'elle est née dans le département, compte y créer quatre nouveaux poulaillers de 4.800 mètres carrés chacun. Il pourrait en sortir six millions de poulets dits "standard" chaque année, à raison de 110.000 nourris en quatre semaines à la lumière artificielle.
Malgré l'image attachée au département, ces poulaillers que Vivadour répugne à appeler industriels ne seraient certes pas les premiers. Mais, dans un pays où les producteurs proclament volontiers qu'un bon poulet est un poulet heureux et que les poulets sont heureux parce qu'ils sont élevés par des Gascons, l'ampleur du projet fait sortir les ergots de certains.
Lors d'une réunion à Lannepax, les opposants ne cachent pas leur dépit quand ils apprennent que l'enquête publique en cours est favorable à la réalisation du projet. "Est-ce que vous pensez qu'avec vingt-cinq poulets sur un mètre carré, rassemblés dans un hangar sans lumière, on puisse parler de bien-être animal?", s'époumonne André Belveze, 54 ans, céréalier et président local du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef).
Les arguments ne manquent pas: le bien-être de la bête en effet, mais aussi la santé du consommateur puisque les poulets seraient gavés de médicaments contre le stress, la préservation de l'image gersoise, le surcroît de trafic sur les routes pour transporter les volailles. Manger du poulet industriel ralentirait même la décomposition du cadavre du consommateur, affirment certains détracteurs.
Ces objections ajoutent à l'incompréhension d'Isabelle, qui pratique déjà un élevage intensif. A 32 ans, cette ancienne éducatrice en charge de délinquants mineurs a changé de métier et élève environ 24.000 poules dans un bâtiment de 1.200 mètres carrés à Baran.
"La volaille est l'élevage qui a le plus d'avenir!", dit Isabelle, qui refuse de divulguer son nom.
Vivadour, qui revendique 850 salariés, 5.200 adhérents et une production de sept millions de têtes de volailles (parmi d'autres activités), n'est pas loin de penser la même chose.
En effet, la consommation de poulet standard est en hausse, mais l'offre reste trop faible, fait valoir la coopérative. "Les ménages n'ont pas forcément les moyens d'acheter du bio ou du label, qui sont plus chers que le poulet standard", justifie son directeur, Christian Laforet.
Ce sont l'alimentation et l'élevage qui distinguent les catégories bio, label et standard. S'il faut 84 jours pour faire un poulet label, il en faut 38 pour un poulet standard.
En apportant un soutien logistique et un prêt financier, Vivadour se flatte d'aider les jeunes agriculteurs à surmonter les difficultés de l'installation.
La coopérative peut se prévaloir de ses soutiens. C'est l'une des seules filières du département qui tient le coup en chiffre d'affaires et en emplois, derrière les céréales, dit-on à la chambre d'agriculture.
"Le Gers, c'est bien, c'est joli. Mais ça ne peut pas rester que touristique", abonde Thierry Guilbert, le président de la Coordination rurale de Midi-Pyrénées.
De fait, les éleveurs de poulets ne sont pas nombreux à chercher le combat.
Mais, riposte Martine Delmas, 57 ans, agricultrice et contestataire, "est-ce que la misère" de ceux qui ne peuvent se payer du bio "doit justifier le n'importe quoi des autres ?"