Le compteur électrique intelligent, gadget pour "bobos" ou service public?
•Le nouveau compteur électrique "intelligent" va-t-il permettre ...© 2010 AFP
Le nouveau compteur électrique "intelligent" va-t-il permettre à tous les Français de mieux contrôler leur consommation d'énergie ou cette faculté sera-t-elle réservée à quelques consommateurs riches et motivés ? Le débat est vif et encore loin d'être tranché.
Baptisé Linky, ce compteur capable de transmettre des informations à distance doit être installé dans 35 millions de foyers d'ici à 2020.
A l'origine, sa mise en place visait à réduire les déplacements d'agents ErDF chargés des relevés de consommation et autres interventions techniques. Le nouveau compteur doit permettre au gestionnaire du réseau électrique d'économiser 35 millions de kilomètres par an en frais de déplacements.
"L'efficacité énergétique n'était pas l'objectif prioritaire", rappelle Michèle Bellon, présidente d'ErDF.
Mais depuis 2007, le Grenelle de l'Environnement a fait du compteur "intelligent" un outil de maîtrise de la consommation d'énergie.
Une mission qu'il risque cependant d'avoir du mal à remplir, d'après l'Agence de l'Environnement et de Maîtrise de l'Energie (Ademe). L'Ademe a en effet souligné que Linky ne permettait pas de faire des économies d'énergie, sauf à lui adjoindre un "affichage pédagogique en temps réel" de la consommation d'électricité.
Cette analyse est confirmée par l'expérience suédoise, où le groupe allemand Eon a installé un million de compteurs "évolués" sans constater d'impact sur la consommation d'électricité.
"Ce n'était pas le but recherché. Il s'agissait d'avoir une facturation plus précise. Mais aujourd'hui le débat évolue sur la réduction de la consommation d'énergie", explique Jan-Erik Olsson, directeur "stratégie et communication" d'Eon Grid à Malmö (Sud-Ouest de la Suède).
En France, le choix a été fait, sous l'égide de la Commission de Régulation de l'Energie, de retenir un compteur aussi simple que possible, financé par le service public d'ErDF, et de laisser les services additionnels sous la responsabilité des fournisseurs d'énergie.
C'est donc EDF, GDF Suez, Poweo ou Direct Energie qui pourront fournir à leurs clients des services payants de maîtrise de la consommation d'énergie, voire de la télésurveillance ou un contrôle à distance de certains appareils ménagers (chauffage, lave-linge).
Cette délimitation de la frontière entre service public et marché fait aujourd'hui débat.
L'Ademe, qui estime qu'il est possible de réduire sa consommation de cinq à 15% en disposant d'une meilleure information sur sa consommation, a jugé "souhaitable" que l'écran déporté soit financé par le service public afin d'éviter "que les ménages les plus modestes n'en bénéficient pas".
"Le compteur ne doit pas être réservé aux +bobos+", abonde Bruno Léchevin, directeur général des services du médiateur de l'énergie. "Il doit être un objet d'intérêt général avant d'être un objet de marché", ajoute-t-il.
Le risque est cependant qu'un tel écran d'affichage devienne très vite obsolète, alors que le compteur a vocation à durer 50 ans.
ErDF a en outre mis en avant le prix prohibitif d'un tel affichage (50 euros) qui grèverait les finances du projet (120 euros par compteur).
De source industrielle, on avance un prix plus proche de 20 euros, voire moins en optant pour un système d'alerte par diodes ou par gyrophare.
L'association de consommateurs UFC Que Choisir demande qu'un test soit mené pour vérifier l'utilité d'un tel afficheur.