Benoist Apparu: «Je n'oublie jamais qu'entre les préfets et les locataires, il y a les propriétaires»
INTERVIEW•Le secrétaire d'Etat au Logement répond aux questions de 20minutes.fr concernant la fin de la trêve hivernale sur les expulsions locatives...Propos recueillis par Vincent Vantighem
Samedi, plusieurs milliers de personnes ont manifesté pour réclamer la mise en place d’un moratoire sur les expulsions locatives. Pourquoi êtes-vous contre cette idée?
Pour une raison de pur pragmatisme. Il faut respecter le droit de propriété. C’est un droit constitutionnel. Comment réagiraient, demain, les propriétaires si on leur interdisait le droit d’expulsion? Ils diraient : «OK. Je prends moins de risque. Je ne loue plus mon bien à des foyers modestes». Cette décision serait contre-productive dans la politique du logement. Et puis, il y aurait un effet d’aubaine. Je pense que certaines locataires arrêteraient directement de payer leur loyer, s’il n’y a plus la menace de l’expulsion.
Mais trouvez-vous logique qu’on puisse expulser des locataires alors qu’ils sont éligibles au droit au logement opposable?
Je comprends le côté absurde de la chose. On risque d’expulser un locataire qui ne paye pas alors que le préfet doit lui trouver un logement d’urgence. Mais là aussi, si on interdit les expulsions, il y aura un effet d’aubaine. Tous les locataires entameraient une procédure de droit au logement opposable afin de ne pas être expulsé. Je n’oublie jamais qu’entre les préfets et les locataires, il y a les propriétaires. Ce n’est pas illogique qu’un propriétaire veuille récupérer son bien pour loger sa fille, ou son fils...
Les associations estiment à 100.000 le nombre d’expulsions par an. Etes-vous d’accord avec ce chiffre?
Non, pas exactement. Il y a en effet 100.000 décisions de justice pour des expulsions chaque année. Mais sur ce chiffre, seules 40.000 demandes de recours à la force publique sont formulées par les propriétaires. Seules 20.000 sont accordées par les préfectures. Et seules 10.000 sont effectives. Il n’y a donc que 10.000 expulsions par la force.
Trouvez -vous les critiques des associations injustes?
Non. Il y a une vraie différence de fond sur ce sujet. C’est classique. En revanche, on est tous d’accord pour améliorer la prévention du risque d’expulsion locative. Nous venons de lancer la Garantie du risque locatif. Les propriétaires seront assurés contre les risques d’impayés. Quant aux assureurs, on leur demande de signaler tout problème au bout de deux mois d’impayés. De cette manière, on peut envoyer un travailleur social pour tenter de résoudre le problème. Aujourd’hui, certains travailleurs sociaux découvrent les problèmes au bout de dix-huit mois d’impayés. Que voulez-vous qu’ils fassent?