Bisphénol A: «on ne devrait pas être dans une logique de précaution mais de prévention»
SANTE•Les «effets subtils» constatés poussent l'agence spécialisée Afssa à faire des recommandations -très limitées pour certains- sur l'usage des produits contenant du bisphénol A...M.N. avec agence
Une recommandation, pas une alerte. L'agence de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), suite à une nouvelle enquête sur le Bisphénol A (BPA), un composant présent dans de nombreux plastiques alimentaires, a constaté des «effets subtils» sur de jeunes rats qui l'incitent à «poursuivre son travail d'expertise» pour comprendre «ces signaux d'alerte».
En attendant l'approfondissement des évaluations, l'Afssa recommande vendredi aux consommateurs «d'éviter de chauffer à trop forte température l'aliment» contenu dans des biberons contenant du BPA ou dans des récipients en polycarbonate, une «mesure simple de précaution» précise l’agence. Une recommendation qui fait grincer des dents.
Nouvelle étude après des résultats internationaux
Le «positionnement de l'Afssa est de dire qu'il y a bien un problème, mais l'agence n'en tire pas les conséquences» en n'émettant que des recommandations limitées, a expliqué à 20minutes.fr André Cicolella, président du réseau environnement-santé (RES) qui appelle depuis longtemps à de nouvelles normes pour ce produit qu'on retrouve dans les boîtes de conserve, les canettes de boisson, les films alimentaires et autres bouteilles d'eau.
«Il y a des centaines d'études sur le sujet, on ne devrait pas être dans une logique de précaution mais de prévention. L'Afssa parle de recommandations méthodologiques, mais si on lance des études maintenant en France, les résultats ne seront connus que dans quatre ou cinq ans alors que d'ici là, des centaines de milliers de foetus seront exposés», précise-t-il.
«Un très grave problème de santé publique»
Comme l'explique Stéphane Horel, journaliste spécialisée en pollution chimique, le bisphénol est un perturbateur endocrinien. «Ces produits ont des structures qui imitent des hormones naturelles, et le bisphénol imite les oestrogènes qui ont une importance considérable dans le développement du foetus» pouvant provoquer cancers, diabète, obésité, comme le montrent les études sur les animaux. Selon des études, le bisphénol est présent dans les urines des Américains - et donc des mères- à des taux proches de 95% , des taux qu'on devrait retrouver en France.
«Il y a urgence, c'est un très grave problème de santé publique», martèle André Cicolella. «J'en appelle aux ministres en charge de ces dossiers à faire une recommandation de précaution, en priorité vis-à-vis des femmes enceintes, car ce sont elles qui "contaminent" leurs enfants.»
Interdit au Canada
En 2008, l'Afssa avait conclu à l'absence de risque du produit, une position reprise par Roselyne Bachelot en mars 2009. Courant 2009, l'agence avait rouvert son étude après la publication de nouvelles études scientifiques internationales, à la satisfaction d'associations de santé qui soupçonnent l'Afssa de conflit d'intérêt avec les fabriquants de plastique et alors que des sénateurs demandaient son interdiction.
L'agence sanitaire américaine, la Food and Drug Administration (FDA), qui avait déclaré le BPA sans danger en 2008, a conclu tout récemment, sur la foi d'études détectant des effets plus subtils, à «des effets potentiels sur le cerveau et sur la prostate des bébés et des foetus». Le composant a été tout simplement interdit au Canada en 2008.
Une voie que Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, voudrait au moins suivre pour les biberons. Elle a demandé vendredi «le retrait immédiat des biberons contenant du bisphénol A», précisant que les Verts demandaient l'interdiction de tels biberons depuis plus de deux ans.