Le dispositif d'alerte professionnelle, comment ça marche?
PRATIQUE•Le tribunal de Caen vient d'exiger sa suspension chez Benoist Girard. Retour sur un logiciel très controversé...M. D. avec agence
Qu'est-ce que EthicsPoint?
Ethicspoint est une société basée aux Etats-Unis dans l'Oregon qui a mis en place, en 2001, le dispositif d'alerte professionnelle (DAP). La société compte aujourd'hui 2.200 clients à travers le monde, dont des filiales basées en France.
Comment ce dispositif a-t-il vu le jour?
Il a été créé en 2001 aux Etats-Unis après la faillite de Enron. Cette société texane fut l'une des plus grandes entreprises américaines par sa capitalisation boursière et avait monté un système de courtage par lequel elle achetait et revendait de l'électricité. En décembre 2001, elle fit faillite en raison des pertes occasionnées par ses opérations spéculatives sur le marché de l'électricité qui avaient été masquées via des manipulations comptables. La loi américaine Sarbanes-Oxley de 2002 a ainsi imposé aux sociétés cotées aux Etats-Unis la mise en place de système de dénonciation des actes illégaux des dirigeants par des salariés.
Le DAP a-t-il pour but de dénoncer tout et n’importe quoi?
Non, ce système a été créé à la base pour signaler des dérives comptables. Le dispositif semblait donc louable, au départ, puisqu'il avait pour but de lutter contre les fraudes pouvant éventuellement conduire une entreprise à la faillite.
Que s'est-il passé à Caen?
Le système a dépassé le cadre de la dénonciation de fraudes comptables. Les syndicats de Benoist Girard, une filiale de la multinationale Stryker, basée à Caen, ont dénoncé des dérives dans l'utilisation du DAP et un «champ de délation trop large», selon leur avocate, Elise Brand. «Avec un tel système, qui de surcroît encourage l'anonymat, on peut aller informer la direction qu'un tel a une maladie grave et l'empêcher de décrocher un poste», a affirmé l'avocate. La justice française a décidé, ce vendredi, de suspendre l'utilisation du dispositif d'alerte professionnelle dans l'entreprise.
Que peut-on dénoncer?
Sur ethicspoint.com, on peut dénoncer un «abus de stupéfiants», le formulaire demandant ensuite «quels sont les produits dont il est question» et proposant à la sélection «médicaments sur ordonnance». Mais «ce formulaire n'est accessible que s'il l'on prétend ne pas être en France», répond Joël Laffargue, directeur des ressources humaines de Benoist Girard qui compte 280 salariés. Or, si un rapport sur un salarié français vient d'un autre pays que la France, il sera «rejeté», affirme-t-il. Un rapport sur un salarié français venu de France «respecte, lui, la loi informatique et liberté dans les thèmes abordés», a assuré le directeur des ressources humaines.
Toutes les entreprises peuvent-elles l'utiliser?
Non, seulement les filiales d'entreprises américaines. Au total, 1.300 entreprises ont fait une demande auprès de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) pour que le dispositif puisse être installé. Parmi elles, Ernst&Young,Toyota ou encore l'Unicef, qui ont recours à Ethicpoints via son site Internet mais aussi via une hot ligne que les employés peuvent appeler afin de «donner des informations» de manière anonyme.
>> Que pensez-vous de ce système de délation au sein des entreprises? En avez-vous fait l'expérience? Souhaitez-vous le voir se développer à l'ensemble des entreprises françaises? Donnez-nous votre avis dans les commentaires ci-dessous…