Le casse-tête de l'encellulement individuel
PRISONS•Gouvernement et professionnels du monde pénitentiaire s'affrontent sur cette question clé de la loi pénitentiaire examinée à partir de ce mardi à l'Assemblée...Elodie Lestrade
A peine examiné et déjà mal-aimé. Le projet de loi pénitentiaire, sur lequel les députés devaient commencer à plancher ce mardi, est vivement critiqué par les associations et les syndicats du monde pénitentiaire.
Au centre de la polémique, la question de l'encellulement individuel. A la demande de Michèle Alliot-Marie, la commission des lois de l’Assemblée a retoqué le texte adopté par le Sénat en mars dernier afin de donner la possibilité aux détenus de choisir entre la possibilité d'être seuls ou à plusieurs dans une cellule. Une «hypocrisie grave» selon les professionnels du monde pénitentiaire. Explications.
«Dire que les détenus peuvent choisir, c’est faux»
Céline Verzeletti, de CGT-Pénitentiaire, s'insurge. «Dire que les détenus peuvent choisir, c’est faux. A moins d’aller à des kilomètres. Et ça, ça n’est pas possible concrètement car les détenus doivent rester près de leur famille et de leur avocat», explique-t-elle.
L'engorgement concerne surtout les maisons d'arrêt
Le principe de l’encellulement individuel date de 1875, lorsqu’une loi «prescrivant l’enfermement individuel dans les prisons départementales» est promulguée. Mais elle est très largement contournée dans les maisons d’arrêt. Il s’agit des prisons dans lesquelles se retrouvent les personnes en détention provisoire ainsi que les détenus qui viennent d’être condamnés ou ceux qui sont condamnés à de très courtes peines. Là-bas, le taux d’occupation est, en moyenne, de 120%.
Le projet de loi risque d'étendre le problème aux établissements longue peine
Pour Emmanuelle Perreux, présidente du syndicat de la magistrature, le projet de loi est «un grand bond arrière», puisqu’avec cette version, même les «établissements pour peines» ( ceux qui accueillent les détentions de longue durée) pourront déroger à l’encellulement individuel. Jusqu’à maintenant, cela n’était pas possible.
L’encellulement non individuel ne permet pas de lutter contre les suicides
De même, Céline Verzeletti estime que contrairement au but recherché, le retrait de cette disposition ne permet pas de lutter contre le phénomène des suicides en prison. «Dans les différents cas de suicides que nous avons eus ces derniers mois, la plupart des détenus n’étaient pas en cellule individuelle», rappelle-t-elle, estimant que «celui qui cherche à en finir trouvera toujours un instant pour le faire».
Il faudrait d'abord favoriser les aménagements de peines
Puisque le problème de l'encellulement individuel relève avant tout d'un manque de places, il faut, selon Céline Verzeletti, considérer la prison «comme un ultime recours». Comme d’autres professionnels, elle ne comprend pas le revirement du gouvernement dans ce projet de loi sur les aménagements de peine. Alors qu'ils devaient être étendus aux détenus condamnés à des peines de deux ans (contre un an actuellement), la ministre de la Justice veut en exclure les récidivistes et les délinquants sexuels. Charlotte Paradis, de l’association «Ban Public», explique que ces aménagements de peine peuvent non seulement servir à désengorger les prisons, mais aussi à ne pas «casser le lien social (…). Mettre en place des alternatives comme le bracelet électronique ou des travaux d’intérêt général est beaucoup plus constructif pour la société et pour les détenus concernés.»
Les députés doivent voter le texte 22 septembre prochain.