CHRONIQUEHistoire de justice, parole de juge

Histoire de justice, parole de juge

CHRONIQUEMarie-Pierre Hourcade, juge pour enfants au Tribunal de grande instance de Paris, raconte à travers quatre textes, les démêlés des mineurs avec la justice...
Par Marie-Pierre Hourcade

Par Marie-Pierre Hourcade

Les quatre affaires qui mettent en scène Paul et Virginie sont des affaires banales d’une gravité relative et qui peuvent concerner des enfants ordinaires issues de familles ordinaires. Ces jeunes ont 16 ans, en pleine période d’adolescence, à un âge où les enfants ont besoin de se confronter aux adultes et de tester les limites. Il s’agit aussi de la période des premières fois, des expérimentations et des prises de risque. Les parents savent que l’exercice de l’autorité n’est pas facile, qu’il faut savoir tenir certaines choses et être plus souple sur d’autres.


Parler des faits et de l'éducation


Après s'être assuré que le jeune est bien l'auteur des faits, le juge échange avec lui sur la loi pénale, les intérêts que défend la société à travers cette incrimination, le rôle de la police et de la justice.


Le juge s’intéresse, ensuite, au contexte dans lequel l’infraction a été commise, s’il s’agit ou non d’un acte isolé, s’il était seul ou en groupe, s’il a été ou non influencé par d’autres mineurs ou des majeurs. Les parents peuvent alors donner leur avis, faire part de leur analyse, faire savoir si cet acte fait écho à des difficultés personnelles ou familiales.


Qui est-il?


L’audience de mise en examen est un temps important où le jeune doit rendre compte de son acte en présence de ses parents et de l’avocat. Le juge tient compte de la gravité de l’infraction, mais aussi de la situation personnelle du mineur afin d’évaluer s’il y a risque sérieux ou non de récidive. Puis il opte pour une intervention éducative ou une réponse plus coercitive.


A-t-on affaire à un incident de parcours d’un jeune en pleine crise d’adolescence? Ou à une situation plus préoccupante où l’acte de délinquance peut être le révélateur d’un dysfonctionnement familial? Ce temps d’évaluation, par le juge, puis par les équipes pluridisciplinaires de la «Protection judiciaire de la Jeunesse», est essentiel pour comprendre ce qui se passe et modifier le comportement du jeune.


Le travail éducatif


Sans pouvoir énoncer de recette, il est certain que réinscrire le jeune dans un parcours scolaire ou de formation sont des objectifs éducatifs qui favorisent la mobilisation du jeune vers une insertion et une mise à distance d’actes de délinquance. C’est là tout le travail éducatif réalisé par les professionnels en lien étroit avec les parents.


Cet accompagnement éducatif exige du temps. Le changement attendu ne peut être immédiat. Mais ce travail d’investigation et de reconstruction a prouvé son efficacité. Le juge, s’il est porté par ce souci d’insertion du jeune et s’il considère comme l'y invite l’ordonnance du 2 février 1945 que la priorité doit être donnée à l’action éducative sur la répression, pourra aussi être amené à prendre des mesures d’éloignement pour mettre fin à des actes inacceptables.


La prison une réponse ultime


La prison sera la réponse ultime pour les faits les plus graves, ou pour des mineurs multirécidivistes qui n'ont tiré aucun profit des avertissements qui leur ont été donnés. Il s'agit alors de marquer un coup d’arrêt à cette spirale de délinquance. L'incarcération, en détention provisoire, n’est possible en principe qu’à partir de 16 ans, sauf en matière criminelle. Par contre, dans le cadre du jugement, une peine d’emprisonnement est possible à partir de 13 ans. La prison doit rester exceptionnelle pour des mineurs. Elle est destructrice et inefficace. Le taux de récidive, de 80%, conforte les juges dans leur conviction que l’action éducative qui peut être contraignante est pertinente et de nature à lutter efficacement contre la récidive.


Finie l’action éducative, l’accompagnement des mineurs et des familles, au profit d’une justice axée sur la répression. Le juge des enfants voit son rôle réduit et se trouve contraint dans sa liberté d’appréciation pour céder le pas à une logique pénale qui aura pour effet une incarcération plus rapide. Ce témoignage est un cri d’alerte aux familles et à la société civile concernées par cet enjeu de société.