A Roissy, entre tension et désolation
REPORTAGE•Le pire n'est pas encore annoncé mais les proches des passagers ont été pris en charge...Alexandre Sulzer
«Vol AF 447 en provenance de Rio, retardé ». «From Rio, delayed». C'est ce qu'on pouvait lire sur le panneau d'affichage des arrivées de l'aérogare 2E de Roissy. Il est pourtant 12h45 ce lundi de Pentecôte et cela fait déjà une heure et demi que l'airbus A330-200 aurait dû atterrir. Le pire n'est pas encore officiellement annoncé mais il est déjà perceptible dans la salle des arrivées, pleine de journalistes, de policiers, de secouristes, de responsables d'Air France et d'Aéroports de Paris (ADP). Des gens attendent des passagers d'autres vols, sauf celui en provenance de Sao Paulo, autre ville brésilienne, «transféré» prudemment au terminal 2C. Les proches des victimes, elles, ne sont déjà plus visibles. «Elles sont prises en charge dans un local près d'ici», apprend-on. Personne ne se risque à donner davantage d'informations. Devant le bâtiment prennent position de nombreux cars-régies des télévisions. L'ambiance est lourde.
«foudroyé»
En tout début d'après-midi, une conférence de presse est improvisée au siège d'Air France. Le directeur général, Pierre-Henry Gourgeon, est nerveux. Il ne répondra pas aux questions des journalistes devant les caméras et se contente d'énumérer la chronologie des faits (lire page 5). Quelle que soit la cause de la «catastrophe aérienne», à l'heure où il parle, «l'avion n'a plus suffisamment de réserve de pétrole pour pouvoir voler». Les responsables d'Air France évoquent clairement, en aparté, que l'avion a été «foudroyé» par un orage.
A partir de 14h, c'est au terminal 2D que les proches des passagers du vol AF447 sont acheminés par autocars pour rejoindre une cellule d'aide pyschologique, loin des caméras. Ils sont assistés par des pompiers et des médecins. Les uns ont les yeux rougis par les larmes, les autres portent des lunettes de soleil. D'autres encore ont le visage fermé, inexpressif. Une jeune fille, aux grands cheveux blonds, manque de défaillir. Un homme la soutient par le bras mais lui aussi a l'air perdu. Tous marchent rapidement, le long d'un cordon de sécurité, pour échapper aux regards scrutateurs des caméras mais aussi des nombreux badauds qui les croisent, valises à la main. Une journaliste radio se désole de la situation: «qu'est-ce que l'on fait là? On va quand même pas leur demander s'ils sont tristes...»
«Il faut prier et espérer»
Puis, c'est au tour de Dominique Bussereau, ministre des Transports, d'arriver. Existe-t-il encore des chances de retrouver des vivants? «Il faut prier et espérer», répond-il prudemment. Vers 17h arrive Nicolas Sarkozy, en provenance du Cap Nègre (Var). «Nous n'avons aucun élément précis sur ce qui s'est passé», déclare le président de la République qui a passé une trentaine de minutes avec les proches des disparus, «dignes et courageux». «Chacun peut bien imaginer ce que peut penser une mère qui a perdu sa fille, une fiancée qui a perdu son futur mari. Je leur ai dit la vérité : les perspectives de retrouver des survivants sont très faibles.» Le chef de l'Etat a précisé qu'il reverra les familles la semaine prochaine pour leur dire «tout ce que nous savons». Mais il a d'ores et déjà prévenu que les recherches seraient difficiles car «la zone est immense, des centaines de kilomètres».
Lundi soir, les activités à Roissy se poursuivaient normalement. Le vol Air France de 23h20 à destination de Rio, «presque plein», n'était par exemple pas annulé. Ce qui n'interdit pas une certaine tension. A l'image de Caroline, 21 ans, qui s'apprêtait à prendre un vol transatlantique Air France à destination de New York. «Ce n'est pas rationnel d'être inquiet vu qu'il y a peu de risque qu'un accident survienne le même jour. Mais j'ai préféré malgré tout ne pas regarder la météo. Mine de rien, j'ai une petite boule dans le ventre.»