Procès du gang des barbares: ces bourreaux bien ordinaires

Procès du gang des barbares: ces bourreaux bien ordinaires

JUSTICEPortrait des complices de Fofana, lors de ce premier jour d'audience...
Mathieu Grégoire

Mathieu Grégoire

«Gang des barbares». L’expression barre l’accréditation délivrée aux journalistes par le ministère de la Justice. Ce nom donné par leur chef autoproclamé, Youssouf Fofana, leur colle désormais à la peau. Les 27 «barbares» vont s’asseoir un par un dans le box des accusés. Ils sont jeunes, terriblement jeunes. Certains sont costauds, d’autres épais comme des fils de fer. Parfois tirés à quatre épingles.


Chemise blanche pour le geôlier Jérôme Ribeiro, l’un de ceux qui a nourri à la paille Ilan Halimi à travers son bâillon. Sweat jaune fluo pour l’imposant Jean-Christophe Sombou, qui a reconnu l’enlèvement du 21 janvier 2006, dans une ruelle sombre. Veste à carreau pour Gilles Serrurier, complètement hébété, le gardien de la résidence de Bagneux qui a fourni les clés de l’appartement où le calvaire d’Ilan Halimi commença. Chemisier noir pour Emma, l’appât, dix-sept ans et «lycéenne, en seconde» au moment des faits, de longs cheveux sombres attachés avec une barrette, des yeux de jais. Depuis sa cellule, cette belle femme d’origine iranienne a écrit à la famille d’Ilan: «J’ai l’impression que j’ai perdu un être cher moi aussi.» Depuis le banc des accusés, elle scrute longuement le public du tribunal, où se mêlent ses proches et ceux de sa proie.


Youssouf Fofana donne immédiatement dans la provocation. Aucun ne le suivra. Le longiligne Samir Ait Abdelmalek, l’homme de main du cerveau, surprend d’un timide «Bonjour» la présidente du tribunal qui l’interroge sur son identité. La politesse semble presque incongrue dans ces lieux. Sous les lambris du Palais de justice de Paris, ils donnent un premier aperçu de leur vie en quelques mots. Chauffeur-livreur, magasinier, livreur de pizzas, ouvrier dans le BTP, étudiante, sans-emploi... les parcours sont plutôt chaotiques, les parents pas toujours connus.


Avant Ilan, des tentatives d’enlèvement toujours ratées


Combien Fofana leur a-t-il promis? Environ 1.500 euros pour le gardien d’immeuble, 5.000 euros pour la jeune Emma. Certains ont participé aux «répétitions» dès 2005, des essais avortés de racket sur des médecins juifs, suivis par neufs tentatives d’enlèvement, selon le même mode opératoire via des rabatteuses, qui ont toutes échouées. Quelques casiers judiciaires, peu impressionnants. Une bande d’amateurs qu’on pourrait rencontrer dans la discothèque à côté de chez soi a succédé à l’équipe aguerrie du braqueur Antonio Ferrara, qui occupait ces mêmes places il y a moins de six mois.


Murielle, l’une des jeunes filles accusées de «non-dénonciation de crime» et qui comparaît libre, éclate en sanglots au moment de dire son nom. A ses côtés, sa copine Audrey Lorleach, rabatteuse qui a raté tous ses coups, ne ressemble pas vraiment au portrait-robot qui l'a amenée à rentrer dans le commissariat de Montrouge le 15 février 2006, deux jours après la mort d'Ilan, pour dire tout ce qu'elle savait sur le gang. C'est la seule qui a dit non pour ce rapt mortel, malgré la pression de Fofana. Dans la salle, elle est blême, craintive, elle murmure à la cour. Elle espère que ce procès ne compromettra pas l'avenir dont elle rêve: un job d'infirmière.


Pendant l’interruption de séance, la blonde Tifenn, l’amie de Fofana qui a recruté Emma et l'a ensuite encouragée à ne pas tout dévoiler, écoute à peine ses avocates, baisse son visage poupin et ses yeux bleus vers le sol. Pas loin, à moins d’un mètre de la mère d’Ilan, un copain vient causer avec un des accusés détenus, sous le regard noir d’un gendarme. «Bon, tu gardes la pêche?», demande l’ami à travers le plexyglas. «Ouais, on fait aller », répond le «barbare», décidément bien ordinaire.


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SUITE - Jeudi, la deuxième journée d'audience est consacrée à la lecture de l'acte d'accusation et aux premiers examens approfondis de personnalité des accusés.