La CPI lance un mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir, Khartoum ne coopèrera pas
DARFOUR•C'est une première pour un chef d'Etat en exercice...20Minutes avec agence
La Cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre le président soudanais Béchir. Elle a rendu sa décision ce mercredi au sujet du président soudanais, accusé par le procureur de génocide, crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour.
Il s'agit du premier mandat d'arrêt contre un chef d'Etat lancé par la CPI, entrée en fonction en 2002 à La Haye. La décision des juges a été rendue à 14h, lors d'une conférence de presse dans les locaux de la cour, seul tribunal permanent chargé de juger les auteurs de génocides, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Omar el-Béchir, 65 ans, est accusé pour des crimes commis au Darfour, une région de l'ouest du Soudan déchirée depuis 2003 par une guerre civile qui a fait 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés selon l'ONU. Khartoum parle de 10.000 morts. Selon la décision émise par la CPI il existe des «motifs raisonnables de croire» que le président soudanais se serait rendu coupable de meurtre, d'extermination, de transfert forcé de population, de torture et de viol, qualifiés de crimes contre l'humanité.
Béchir défie la cour
Bien que le Soudan soit dans l'obligation d'exécuter ce mandat d'arrêt, le ministre de la Justice Abdel Basit Sabdarat a déclaré mercredi sur la chaîne Al-Jazira que «Khartoum ne coopèrera pas». Paris a aussitôt réagi en demandant «instamment» au Soudan de «coopérer pleinement» avec la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Eric Chevallier.
La veille, le président soudanais avait une nouvelle fois défié la cour, affirmant que «toute décision de la CPI n'aura aucune valeur pour nous». «Elle ne vaudra pas l'encre avec laquelle elle aura été écrite», avait-il estimé, en marge de l'inauguration d'un barrage à Méroé, à environ 500km au nord de Khartoum. «Nous avons de lourdes preuves contre Béchir», a assuré de son côté le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo. «Nous avons plus de 30 différents témoins qui diront comment il a tout dirigé et contrôlé», a-t-il dit devant la presse. C'est lui qui, le 14 juillet 2008, avait demandé aux juges de la CPI d'émettre le mandat d'arrêt.
La paix menacée?
Le Président pourrait être arrêté dans un des 106 pays qui ont ratifié le statut de la CPI. Mais les analystes estiment qu’une arrestation dans un futur proche n’est pas réaliste. La Cour ne disposant pas d’une force de police propre, elle dépend des Etats pour les arrestations. Or il sera difficile pour certains pays de l’arrêter à cause des accords bilatéraux existants. Sur place, plus d'un millier de Soudanais manifestaient mercredi après-midi dans le centre-ville de Khartoum leur appui au Président. Si les chances de le voir un jour derrières les barreaux sont minces, l'émission du mandat par la CPI ne sera pas sans conséquence pour le Darfour. Là où certains, comme l'Union africaine voient la décision comme une «menace pour la paix» dans la région, d'autres y voient un nouveau départ.
Le leader rebelle darfouri Abdel Wahid Mohammed Nour, leader du SLM (Mouvement de libération du Soudan), a salué une «grande victoire pour les victimes du Darfour et du Soudan». «Béchir et son cabinet n'échapperont plus à la justice», et «quiconque commet un génocide saura qu'il n'aura plus de liberté de mouvement dans le monde», a-t-il ajouté.
Même son de cloche du côté des organisations de défense des Droits de l'homme. Avec ce mandat d'arrêt, «même les présidents n'ont plus les mains libres pour commettre des crimes horribles», s'est réjoui Richard Dicker, spécialiste de la justice internationale au sein de Human Rights Watch. «En décidant que le président Béchir doit répondre des horreurs commises au Darfour, le mandat réduit à néant les dénégations répétées de Khartoum concernant sa responsabilité», s'est réjouit le responsable.