PARLEMENTRéforme du travail législatif: le temps de parole voté sans passion au Sénat

Réforme du travail législatif: le temps de parole voté sans passion au Sénat

PARLEMENTDans un hémicycle déserté, les sénateurs ont entériné mardi soir le principe d'un temps global des débats. Reportage...
Audrey Garric (au Sénat)

Audrey Garric (au Sénat)

Ils sont à peine une soixantaine. Prennent la parole à tour de rôle, bien sagement et sans grande conviction. D’ailleurs, leurs collègues ne les écoutent que d’une oreille distraite. Ou pas du tout. Alors que le Palais Bourbon avait connu une fronde des députés socialistes le 27 janvier, l’examen de la réforme du travail législatif s’est révélé beaucoup moins virulent au Palais du Luxembourg.


Finalement, dans la soirée de mardi, les sénateurs ont entériné l'article 13 du projet de loi organique, qui édicte le principe d'un temps global des débats. Une règle voulue par l'exécutif pour mettre fin à «l'obstruction» parlementaire, mais qui ne vaudra que pour l’Assemblée nationale.


Ce «crédit temps» autorise les chambres à fixer à l’avance un temps d'examen des textes, avec comme conséquence une limitation du temps de parole pour la défense des amendements.


«Temps guillotine»


«S’attaquer au droit d’amendement, c’est s’attaquer au fondement de la démocratie, à savoir le droit d’expression des parlementaires», déclare dans l’hémicycle Josiane Mathon-Pionat, sénatrice communiste de la Loire. Et d’autres sénateurs de gauche de dénoncer un «temps guillotine» destiné selon eux à bâillonner l'opposition. «Cette mesure réduit le Parlement à sa dimension la plus grégaire», assure François Marc, sénateur socialiste du Finistère.


Pour appuyer cette idée du «temps guillotine», les parlementaires ne lésinent pas sur les références historiques, depuis le «régime consulaire», au «tribunal de l’an VIII» en passant par la «chambre impériale sous Napoléon Bonaparte».


Epaulée par le centriste Michel Mercier, la gauche défend également le principe d'un droit d'amendement individuel, mis à mal selon eux par la réforme qui le place désormais sous tutelle des groupes parlementaires. Alima Boumédiene-Thiery (Verts) dénonce un «dispositif castrateur» pour les élus n'appartenant à aucun groupe dans la mesure où «il n'y aura plus d'amendements de parlementaires mais des amendements des groupes».


«Dépôt en cascade d’amendements»


Dans les rangs désertés de la droite, seul Jean-Patrick Courtois porte la voix de la majorité. Et de faire référence à une période plus contemporaine: «Cette procédure de temps compté n’est pas anti-démocratique, puisqu’elle est en vigueur dans plusieurs pays européens.»


A la dernière minute, Hugues Portelli, autre sénateur UMP, décide d’intervenir. Et le constitutionnaliste d’affirmer: «L’article 13 va seulement éviter le dépôt en cascade d’amendements, qui atteignent parfois 120.000 pour un même texte.»


Pour la gauche, la lenteur du travail législatif réside moins dans le nombre d’amendements que de projets de loi. La sénatrice socialiste Raymonde Le Texier regrette ainsi un gouvernement qui «confond gesticulation et action», en votant «une nouvelle loi toutes les semaines et demie».


Vote dans la nuit de mardi


Mardi soir, le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, qui défendait le projet de loi, a tenté de rassurer les opposants à l'article 13. Roger Karoutchi l’assure: «Le temps qui sera attribué à chaque groupe sera large. Il profitera en particulier aux groupes d'opposition et minoritaires.»


Les trois amendements de suppression de l'article 13 ont été repoussés par 181 voix contre 142, les voix centristes ralliant finalement celles de l'UMP. La majorité sénatoriale a ensuite repoussé une quinzaine d'amendements de gauche visant à modifier le texte, l'adoptant dans une version identique à celle des députés. L'article 13 n'aura donc plus à être examiné à l’Assemblée nationale, permettant au gouvernement d’éviter un nouveau tollé des députés de l’opposition.


Ce mercredi, le Sénat doit voter le reste du projet de loi organique, qui reviendra ensuite au Palais Bourbon. Pour être définitivement adopté, il devra être voté dans les mêmes termes par les deux chambres, les navettes se poursuivant tant qu'un texte commun n'a pas été voté. S'agissant d'un projet de loi organique, aucune commission mixte paritaire (CMP) ne peut être réunie pour écourter les débats.