«Il m'a souvent dit que ce costume de grand bandit, de caïd, était bien trop grand pour lui»
INTERVIEW•La mère de Christophe Khider revient sur le parcours de son fils aîné, toujours hospitalisé à l’hôpital de Créteil...Tous propos recueillis par Mathieu Grégoire
Claude Charles-Catherine a 55 ans. Elle est la mère de Christophe Khider, l'homme aux trois évasions, interpellé ce mardi matin. Ils ont toujours été liés. Le père est parti depuis longtemps. Christophe Khider a dérapé trop jeune, il casse notamment pour aider sa mère, alors toxicomane. En 1999, un braquage, avec deux complices, dont l'amant de sa mère, tourne mal: il tue, d'une balle dans la tête, un otage. Il parle d'un «accident». La cour d'assises de Paris le condamne à 30 ans de réclusion pour «meurtre et vol à main armée». Il tentera de s'évader une première fois, de Fresnes le 27 mai 2001, le jour de la fête des mères. Son frère cadet, Cyril, qui participe à cette escapade par hélicoptère, est arrêté et reste toujours en prison aujourd'hui.
Catherine Charles, comme elle se fait appeler, crée l'ARPPI (Association pour le respect des proches de personnes incarcérées) pour les épauler dans leur détention. La voix rauque, sans cesse interrompue par des coups de fil de proches et de l'avocate de Christophe, alternant entre critiques virulentes du système pénitentiaire et soudain accès de douceur, elle s'exprime pour 20minutes.fr.
Pour équilibrer ce débat qui vous tient à cœur, nous vous livrerons, ensuite, la réaction de Claude d'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire, à propos de la famille Khider.
Avez-vous des nouvelles de votre fils?
Les autorités ne veulent pas me laisser rentrer à l'hôpital de Créteil pour l'instant. Mais mon avocate a pu se rendre auprès de Christophe. J'espère avoir plus d'explications, je ne sais même pas combien de balles il a reçu. Ce matin, personne ne m'a prévenue de l'interpellation. Le Raid était, pourtant, bien content de me trouver en 2001 pendant la tentative d'évasion de Fresnes, quand ils m'ont demandé d'appeler Christophe pour l'encourager à se rendre.
Soulagée de le savoir en vie ?
C'est la première réaction d'une mère, oui, je suis profondément heureuse. Mais c'est terrible ce que je vais dire, je ne peux pas m'empêcher, d'un autre côté, de penser que ça va repartir comme avant, qu'on va le couler sous 3.000 tonnes de béton et l'oublier. Comme pour Antonio Ferrara. Sa mort va juste être beaucoup plus lente, beaucoup plus longue.
Vous doutiez-vous qu'il allait tenter de s'évader?
Il n'a jamais accepté sa peine. Je suis étonnée que ça ne soit pas passé plus tôt. Il n'a aucun horizon, et ne peut pas vivre ainsi.
Mais il a tué quelqu'un…
Mais vous savez, et je parle peut-être plus encore pour mon fils cadet, un type lambda qui n'a blessé personne, une peine de prison, tant qu'elle n'est pas comprise, elle ne peut être sereine. Il me semble qu'on respecterait plus les longues peines si on leur mettait un horizon, si on posait les questions autrement.
C'est-à-dire?
La violence carcérale engendre la violence. J'ai l'impression qu'on fait tout en prison pour qu'ils soient prêts à y retourner une fois dehors, comme un mauvais business sécuritaire. Aujourd'hui, les longues peines apparaissent aux détenus comme des peines infinies.
Il ne peut pas être libre pour autant.
On peut améliorer les choses. En n'isolant pas systématiquement ce type de détenus, en créant une relation avec les familles des victimes afin qu'ils aient l'occasion de comprendre leur geste, la douleur des autres, et d'avancer. Il pourrait voir quelque chose se créer au dehors. Au Canada, il y a des vrais programmes d'éducation, de restauration de soi. Il y a un vrai travail de réinsertion, pas seulement de punition. On pourrait leur offrir des activités variées. Avant d'être à Moulins, Christophe était à Saint-Maur. Nicolas Frize (Responsable de la commission prison de la Ligue des droits de l'homme, ndlr) lui a proposé une formation d'ingénieur du son, il a notamment travaillé à ce poste pour un film lors de la venue des comiques Omar et Fred dans l'établissement. Et du jour au lendemain, on lui a enlevé cette activité, sans raison. Ça l'a beaucoup affecté.
Regrettez-vous la réputation que s'est forgée votre fils, qui fut pendant deux jours l'ennemi public numéro 1?
Mais il m'a souvent dit que ce costume de grand bandit, de caïd, était bien trop grand pour lui. Ce n'est pas ce qu'il est. Il a pris des otages mais ne leur a pas fait de mal, ne s'en est pas servi comme bouclier. Il semble qu'il n'ait pas tiré non plus contre la police, ce mardi matin. De toute façon, ce système diabolise les hommes qui restent debout, il fait tout pour les briser.