Réforme de la justice des mineurs, un nouveau tollé?
JUSTICE•La commission Varinard, chargée de réviser l'ordonnance de 1945, relative à la délinquance des mineurs, remet ses conclusions à Rachida Dati ce mercredi...MD avec agence
«70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs», c'est le nom du rapport que remet la commission Varinard à la ministre de la Justice, ce mercredi. Chargée de réviser l'ordonnance de 1945, relative à l'enfance délinquante, la commission préconise d'abaisser de 13 à 12 ans la possibilité d'incarcération. Une proposition qui suscite un tollé chez les professionnels et provoque un appel à la grève des éducateurs.
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Ce texte affirme dans son préambule que les mineurs auxquels est reprochée une infraction «ne seront déférés qu'aux juridictions pour enfants» et «ne pourront faire l'objet que de mesures de protection, d'éducation ou de réforme, en vertu d'un régime d'irresponsabilité pénale qui n'est susceptible de dérogation qu'à titre exceptionnel». Mais cette primauté accordée à l'éducatif sur la répression serait menacée dans les 237 pages du rapport Varinard, selon les principaux syndicats de magistrats, éducateurs et psychologues.
Educatif ou répressif?
Juges des enfants et secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, Hélène Franco parle d'une «extrêmement dangereuse remise en cause de la spécificité de la justice des mineurs». Alors que l'âge de la responsabilité pénale était jusqu'alors laissé à l'appréciation des juges, la commission Varinard propose de le fixer à 12 ans. Autre modification d'importance, le rapport rend possible l'incarcération dès 12 ans, au lieu de 13 ans aujourd'hui, uniquement «en matière criminelle».
«C'est extrêmement grave, car on se retrouve avec de plus en plus de délits criminalisés en raison de circonstances aggravantes», comme par exemple les violences contre les forces de l'ordre, explique la psychologue Lysia Edelstein, membre du principal syndicat de la Protection judiciaire de la jeunesse, le SNPES-PJJ. Pour Maria Inès, secrétaire nationale de ce syndicat d'éducateurs, il s'agit d'une «attaque aussi forte que régressive contre le fondement éducatif de l'ordonnance de 1945».
Banalisation de l'enfermement
Appelées à se développer, les nouvelles prisons pour mineurs ou EPM, qui accueillent les jeunes dès 13 ans pour concilier à la fois privation de liberté et éducation, sont accusées de «banaliser l'enfermement» et vivement critiquées, comme récemment celle de Meyzieux dans le Rhône à la suite du suicide d'un mineur, en février.
Le rapport Varinard préconise des «peines d'emprisonnement de fin de semaine» permettant une poursuite de la scolarisation, mais cela risque de se faire «dans des lieux pas du tout adaptés», s'inquiète Lysia Edelstein.
Un tribunal correctionnel pour mineurs
La proposition de créer un nouveau «tribunal correctionnel pour mineurs» composé de trois juges, dont un juge des enfants, et qui serait compétent pour les récidivistes de 16-18 ans, est contestée également.
Pour le président de l'Union syndicale des magistrats, Christophe Régnard, «on est en contradiction avec la Convention internationale des droits de l'enfant qui prévoit des "institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale"».
Devant ce tollé et en butte à un préavis de grève du SNPES-PJJ déposé mercredi, le ministère de la Justice a assuré qu'«aucune décision n'a encore été prise sur les suites» à donner au rapport Varinard.