JUSTICECe qu’il faut retenir du procès Fourniret

Ce qu’il faut retenir du procès Fourniret

JUSTICERetour sur deux mois d'audience
A Charleville-Mézières, Bastien Bonnefous

A Charleville-Mézières, Bastien Bonnefous

Deux mois d’audiences, plusieurs temps forts, mais pas de révélations fracassantes, retour sur le procès d’un des plus incroyables tueurs en série français, et de sa complice.


L’attitude de Michel Fourniret


Dès la première minute du procès, le 27 mars, l’accusé fait un coup d’éclat. Il entre dans le box en brandissant un écriteau sur lequel est écrit: «Sans huis clos, bouche cousue.» Fourniret qui avait d’abord refusé l’assistance d’avocats – ses trois défenseurs ont été commis d’office –, refuse de parler si l’audience n’a pas lieu à huis clos. Une demande que rejetteront les familles de victimes et la cour d’assises. Le 28 mars, lendemain de cette première tentative de déstabilisation, Fourniret refuse de comparaître. La cour l’amène de force à l’audience.

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Michel Fourniret garde le silence jusqu’au 6 mai. Ce jour-là, la fille d’un de ses anciens patrons le supplie de parler. L’accusé marque le coup et se met à pleurer. Le lendemain, le 7 mai, à la demande de ses deux premiers enfants, il donne sa «parole» qu’il répondra désormais sur les faits. Cette promesse ne tiendra que quatre jours. Les 15 et 16 mai, il s’exprime sur trois meurtres: ceux d'Isabelle Laville en 1987, de Fabienne Leroy en 1988 et de Jeanne-Marie Desramault tuée en 1989. Ses explications sont souvent ampoulées et polluées de digressions inutiles. Il reconnaît simplement être dans «un état second» lors de l'étranglement d'Isabelle, et avoir jeté son dévolu sur Fabienne de manière «non prémédité». Bien maigre récolte pour la cour.


Le 16 mai, repris par l’avocat général alors qu’il venait d’insulter un avocat des parties civiles, Fourniret «retourne dans sa coquille», et revient sur sa promesse de parler.


Au final, Michel Fourniret s’est contenté de reconnaître laconiquement les sept meurtres qui lui sont reprochés et de provoquer la cour par ses exigences. Il a réfuté toute préméditation de ses actes, se comparant à «un braconnier» partant à la chasse «sans savoir» quelle proie il va rapporter. Mais, dans ces rares propos, il a «chargé» à plusieurs reprises Monique Olivier, la présentant comme une complice active de plusieurs meurtres. Face aux dénégations de son épouse, il s’est emporté à diverses reprises, l’accusant de mentir : «Mais arrête tes conneries merde! C’est pas vrai, cette bonne femme! Connasse!», lui a-t-il lancé le 14 mai.


Enfin, ultime coup d’éclat et tour de piste de l’accusé, il prend la parole en dernier, le 27 mai, après la plaidoirie de son avocat, pour insulter en vers la cour, l’avocat général, Monique Olivier… Un délire verbal qui résonne comme une dernière provocation.


Reste que par son silence, ses insultes ou ses réponses elliptiques, Michel Fourniret n’a donné en deux mois d’audience, aucune indication sérieuse concernant d’autres éventuelles victimes. C’était pourtant, avant le début des hostilités, un des enjeux de ce procès.


L’attitude de Monique Olivier


C’est finalement la grande inconnue de ce procès. Pour les parties civiles et pour l’accusation, «Monique Olivier n’est pas celle qu’elle veut bien dire». Celle qui se présente comme une des victimes collatérales de Fourniret, complice contre sa volonté de son mari tueur, serait en réalité tout aussi manipulatrice et perverse que lui. L’avocat Paul Lombard affirmera dans sa plaidoirie le 20 mai que «nous avons affaire à un couple d’assassin» à la culpabilité «identique».


Dès le début du procès, Monique Olivier a accepté de parler. Mais tête baissée en permanence et diction bafouillante, elle a systématiquement minimisé sa responsabilité ou éludé les questions embarassantes en disant ne plus se souvenir.


Rare sursaut, elle a fermement contesté à plusieurs reprises avoir étouffé Jeanne-Marie Desramault en 1989, seul meurtre dans lequel la justice la considère co-auteure. Par ailleurs, durant les deux mois, Monique Olivier n’a pratiquement pas eu un mot ni même un regard pour les familles des victimes, distantes d’elle d’à peine quelques mètres.


Pire encore pour elle, elle a jeté un grand froid le 30 avril, lorsque pressée de questions par un avocat de la partie civile, elle a reconnu avoir «rejoué» avec Fourniret des scènes de crime pendant leurs ébats sexuels.


Enfin, elle a été la cible principale des plaidoiries des parties civiles et du réquisitoire de l’avocat général. Pendant trois jours, du 20 au 22 mai, Monique Olivier a été littéralement accablée, ses adversaires la présentant comme la partie indissociable d’un «diable à deux faces» avec Fourniret. Un acharnement tel qu’on en oubliait parfois qu’il y avait deux accusés dans le box.


Une telle stratégie s’expliquait par la volonté des parties civiles et du parquet d’éviter que le jury n’accorde de circonstances atténuantes à Monique Olivier. Il a fallu attendre la plaidoirie de ses avocats le 26 mai, pour que la complice du tueur soit représentée comme «l’objet» du «sujet» Fourniret. Le 27 mai, à l’issue des débats, elle a simplement bafouillé un misérable «je regrette tout ce que j’ai fait».


L’attitude des familles de victimes


Elles ont fait front pendant deux mois. Les familles des victimes ont formé un bloc uni et solidaire durant tous les débats. Hébergées au même hôtel de Charleville-Mézières, soutenues par des psychologues dépêchés par la cour, les familles ont voulu symboliquement respecter un «pacte de solidarité» en miroir du «pacte criminel» du couple Fourniret-Olivier.


A plusieurs reprises, les face à face avec les accusés ont été très tendus. Le 2 avril, la mère d’Isabelle Laville interpelle Fourniret, lui disant «vous êtes laid à l’intérieur, pitoyable, je vous méprise». A Monique Olivier, cette mère lâche: «Vous êtes peut-être une mère, mais vous n’avez jamais été et ne serez jamais une maman.»


Les parents Laville et Leroy ont refusé de recevoir de Michel Fourniret des explications écrites sur les derniers instants de leurs filles, comme l’accusé le leur avait proposé au début du procès. Idem pour la famille de Natacha Danais, qui a rejeté les deux heures de huis clos demandées par Fourniret pour s’expliquer après qu’un légiste a soulevé l’hypothèse d’un viol post-mortem sur la jeune fille.


Le 23 avril, le père de Céline Saison s’est campé face à Fourniret et lui a ordonné de le regarder dans les yeux, avant de lui lancer: «J’ai tellement de haine que si la vie me le permet, j’irai cracher sur votre tombe.»


Ironique face au silence de Fourniret, le beau-père de Manyana Thumpong lui dira «merci de vous être tu, merci de ne pas voir ajouté, à la cruauté de vos actes, la cruauté de vos paroles».


Le 16 mai, les familles ont exprimé leur colère face au revirement de Fourniret qui retourne dans le silence, en quittant la salle d’audience pendant une heure. A partir du 20 mai, elles ont assisté aux plaidoiries de leurs avocats et au réquisitoire, une rose blanche à la main. Le 26 mai, elles ont refusé d’assister aux plaidoiries de la défense. A leur place au premier rang de la salle, les familles avaient disposé les portraits de leurs enfants disparues. Mais à la demande de la cour, elles finiront par retirer les photos pour les remplacer par des roses blanches.