IMMIGRATIONMayotte privée de droit du sol

Mayotte privée de droit du sol

IMMIGRATIONLe secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Christian Estrosi envisage de ne plus donner la nationalité française aux enfants nés de parents en situation irrégulière…
Avec agence

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Vers une intégration à deux vitesses? Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Christian Estrosi envisage de ne plus donner la nationalité française aux enfants nés à Mayotte de parents en situation irrégulière. «Une décision exceptionnelle» a-t-il reconnu, vendredi sur France 2. Mais pourquoi cette mesure draconienne?


«30% de population clandestine»


«Nous avons aujourd'hui à Mayotte 30% de la population qui est en situation clandestine, irrégulière et, dans dix ans, elle pourrait être majoritaire par rapport à la population franco-mahoraise», a-t-il souligné. Pourquoi une telle détérioration? «Nous sommes là, dans les heures qui viennent, sous une invasion imminente de la fédération des Comores en direction de l'île d'Anjouan, qui est à 70 km de Mayotte», a-t-il déclaré. En effet, le gouvernement fédéral des Comores a obtenu le soutien de l'Union africaine et de Paris pour une opération militaire contre les autorités «illégales» de l'île autonome d'Anjouan. Ce climat de tensions pourrait conduire les habitants de l’île à converger vers Mayotte toute proche.


Un spectre contre lequel «il est important d'envoyer un signe fort», selon le secrétaire d'Etat. Il assure qu’il s’agit, pour l’heure, d’une «expérimentation avec un inventaire qui sera fait de la loi dans cinq ans». Une proposition de loi pourrait être présentée au printemps, selon Estrosi qui précise en avoir parlé avec Nicolas Sarkozy, François Fillon et le ministre de l'Immigration Brice Hortefeux. Une loi qui, si elle était adoptée, ouvrirait une brèche dans l’acquisition de la nationalité française, qui repose aujourd’hui sur le droit du sol ou le droit du sang.

Pas contraire à la Constitution


Et justement, selon le juriste Guy Carcassonne, spécialiste de droit constitutionnel, cet éventuel aménagement du droit du sol n’est «pas contraire à la Constitution». «Le Conseil Constitutionnel a déjà jugé, le 20 juillet 1993, que ce n'était pas un principe constitutionnel», a-t-il expliqué. Et d’ajouter: «Ce que le législateur a fait, un autre législateur peut le défaire. La seule exception est quand la loi, antérieure à 1946, a érigé un principe fondamental et ce n'est pas le cas».


Ce projet pourrait donc rapidement aboutir, d’autant que l’acquisition de la nationalité française à Mayotte est un sujet qui préoccupe la droite depuis longtemps. En septembre 2005, dans un entretien publié dans le «Figaro Magazine», le ministre de l'Outre-mer d'alors, François Baroin, avait estimé qu'il «faudrait envisager» la remise en question du droit du sol pour l'accession à la nationalité française dans «certaines collectivités» ultramarines dont Mayotte. Ces déclarations avaient suscité une vague de protestations, notamment à gauche, obligeant Dominique de Villepin, alors Premier ministre, à ne pas donner suite.


Etendu à d'autres territoires français?


Aujourd’hui, des voix s’élèvent de nouveau à gauche. «Les déclarations de M. Estrosi concernant la remise en cause du droit du sol sont inefficaces, irresponsables et dangereuses», a estimé le député apparenté PS René Dosière, qualifiant ces déclarations d’intervention politicienne tout à fait dangereuse» dans le contexte électoral actuel. De son côté, la sénatrice communiste Eliane Assassi s'est déclarée «profondément scandalisée par cette annonce». Elle dénonce un projet «qui ouvre une brèche dans la remise en cause de notre droit du sol, lequel a pourtant été au fondement de la République et de la société française». Et de s’interroger: «Qui nous dit que ce projet -expérimental et limité à Mayotte- ne sera pas, demain, étendu à d'autres territoires français voire à la France métropolitaine?»


Réponse de Christian Estrosi, vendredi matin: «Pour l'instant, il n'est pas question» de transposer une telle mesure «à d'autres territoires français», a-t-il insisté, se défendant de «remettre sur la table le dossier de l'immigration» à deux semaines des élections municipales