Désunion à l'Assemblée nationale sur le divorce sans juge

Désunion à l'Assemblée nationale sur le divorce sans juge

Divorcer par consentement mutuel, sans juge: les députés ont ...
© 2016 AFP

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Divorcer par consentement mutuel, sans juge: les députés ont voté jeudi l'une des mesures les plus controversées du projet de «Justice du XXIe siècle», défendue comme une «pacification» par le gouvernement mais combattue par une partie de la droite et de la gauche.

L'ensemble du texte du ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, sur lequel les débats se sont achevés dans la soirée, fera l'objet d'un vote solennel mardi.

Pour le divorce, lorsque les époux se seront mis d'accord sur les modalités de leur rupture, une convention de divorce, contresignée par chacun de leurs avocats, pourra être enregistrée chez un notaire. Le divorce sera effectif après un délai de rétractation de 15 jours.

Cette procédure ne pourra toutefois pas s'appliquer si un mineur demande à être entendu par le juge et le divorce par consentement mutuel serait dans ce cas prononcé par un juge aux affaires familiales. Mais, ont demandé des élus LR opposés à la réforme, «quel enfant osera s'opposer» à la décision de ses parents?

Le Garde des Sceaux a mis en avant la «simplification» et la «pacification des relations entre époux» avec cette «déjudiciarisation» du divorce en cas de consentement mutuel, plusieurs fois envisagée et abandonnée depuis 2008. «Libérons le juge» au bénéfice des cas conflictuels, a lancé M. Urvoas dans l'hémicycle, affirmant que «72% des Français sont d'accord».

En 2014, 54% des 123.500 divorces prononcés l'ont été par consentement mutuel, selon le ministère. Avec la réforme, le délai de traitement passerait de 3 à 7 mois --selon les juridictions et après rédaction des actes--, à 15 jours, correspondant au délai de réflexion.

Evoquant actuellement des «divorces à la chaîne dans l'ensemble des juridictions de France», la socialiste Colette Capdevielle, avocate, a mis en avant la «confiance aux professionnels» et aux «justiciables» avec la réforme.

- «Banalisation de l'institution du mariage» -

Dans les rangs LR, où de rares voix s'étaient faites entendre en début de semaine pour défendre la mesure, les députés présents ont protesté contre des «divorces kleenex» et «un débat à la sauvette», après l'ajout de la mesure en commission à l'initiative du gouvernement.

Plusieurs membres de la conservatrice «Entente parlementaire pour la famille», comme Hervé Mariton, Xavier Breton, Patrick Hetzel ou Jacques Myard, lui-même «divorcé deux fois», se sont succédé pour dénoncer un changement «extrêmement dangereux» et «la banalisation de l’institution du mariage», échouant à faire supprimer l'article.

Ancien rapporteur de la loi ouvrant le mariage aux homosexuels, le socialiste Erwann Binet a exprimé sur Twitter la «sensation de revivre un moment déjà vécu, des mots déjà entendus ».

«Nos amis de l'opposition, comme au moment du mariage pour tous, sont des élus engagés. Où sont les Nathalie Kosciusko-Morizet?», a ironisé le radical de gauche Alain Tourret. Lui qui, comme avocat, a «fait 2.000 divorces», a défendu une mesure «révolutionnaire» et en phase avec la société actuelle.

Des syndicats de magistrats, le Défenseur des droits ainsi que des associations familiales et catholiques ont manifesté des réserves et inquiétudes sur la protection du droit de l'enfant dans le projet de réforme.

Les enfants seraient-ils comme «des biens meubles» pouvant être «déplacés»? s'est interrogé un député LR dans l'hémicycle.

Par souci affiché d'éviter des «dérives» au détriment des «plus faibles», le groupe LR voulait réserver cette procédure aux couples sans enfant ou ayant des enfants majeurs. Mais, y compris pour les enfants mineurs, «le dispositif est plus protecteur maintenant avec la présence de deux avocats», a défendu Jean-Yves Le Bouillonnec (PS), rapporteur et avocat.

Des avocats et associations féministes ont également mis en garde contre les risques de déséquilibre pour les personnes vulnérables, comme les femmes battues.

Avant ce débat passionné, les députés avaient voté l'enregistrement du Pacs en mairie, malgré des protestations à droite sur le manque de moyens dans les collectivités et l'alignement sur le mariage.

Et après, l'Assemblée a adopté, en «l'absence bienveillante de l'opposition» selon la formule ironique d'un socialiste, une mesure pour faciliter le changement d'état civil pour les transexuels, en inscrivant dans la loi une procédure notamment «démédicalisée».

Le gouvernement a fait modifier la version initiale de députés de gauche, par exemple pour que la requête se fasse devant le TGI, non le procureur.

A la fin des débats, au pas de charge et dans un hémicycle très dégarni, les députés ont retouché entre autres l'action de groupe, par exemple pour inclure les personnes morales dans les victimes pouvant agir en matière d’environnement.

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