Titres de séjour: un accueil des étrangers «à guichets fermés», pour la Cimade
Délais à rallonges, information "ni fiable, ni uniforme" ou ...© 2016 AFP
Délais à rallonges, information «ni fiable, ni uniforme» ou refus «abusifs» d'enregistrement: les démarches en préfecture pour obtenir un titre de séjour sont trop souvent émaillées de «dysfonctionnements» qui pénalisent les étrangers, dénonce la Cimade dans un rapport publié mercredi.
Dans ce rapport intitulé «A guichets fermés», l'organisation d'aide aux étrangers, qui s'est fondée sur les constats menés fin 2015-début 2016 dans ses 131 permanences, s'inquiète des «difficultés de plus en plus importantes» rencontrées par les nouveaux immigrés face à l'administration.
Le rapport porte uniquement sur les démarches de demande de titre de séjour, et non les procédures d’asile.
Selon l'association, la procédure est marquée «par des dysfonctionnements qui restreignent, voire interdisent, l’accès aux préfectures des demandeurs, de plus en plus mis à distance de l'administration».
Contredisant un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) concluant en décembre 2014 que l'accueil des étrangers s'était «nettement amélioré», la Cimade estime qu'au contraire «c’est toujours le caractère indésirable de nombre de personnes étrangères qui semble s'exprimer».
L'association dénonce ainsi une information «ni fiable, ni uniforme», et déplore qu'avec le manque de moyens «nombre de préfectures ont tout bonnement fermé leur guichet de pré-accueil».
Autre inquiétude: la généralisation des plateformes internet, censées désengorger les files d'attente, car «des personnes se retrouvent dans l’incapacité de faire leurs démarches seules, faute d’accès à internet, de familiarité avec cet outil, de possession d’une adresse email ou du matériel nécessaire pour imprimer la convocation».
L'obtention d'un rendez-vous devient ainsi «un Graal difficile à atteindre» pour la Cimade, qui juge que «l’attente devient un véritable moyen de domination des personnes étrangères par la préfecture».
Mais «selon l'endroit où l'on fait sa demande, on ne sera pas traité de la même façon», souligne Lise Faron, l'auteur du rapport, qui note «qu'en région parisienne et dans le Rhône, c'est pire».
- «Procédures bloquées» -
A l'appui de sa démonstration, la Cimade a fait tourner des logiciels pour solliciter des rendez-vous: mission impossible à l'Haÿ-les Roses, Nanterre ou Nogent-sur-Marne pour une demande de naturalisation -- alors que dans le Tarn, une date a été proposée «dans les quinze jours» pour un renouvellement de titre de séjour.
Cruciale pour les étrangers, la fixation de ces rendez-vous prend parfois un tour ubuesque: à Toulouse, une personne accompagnée par La Cimade s'est vue «miraculeusement» convoquée le 3 juillet 1969...
Et le titre pluriannuel prévu par la récente loi sur le droit des étrangers, afin d'éviter une multiplication des démarches, n'y changera pas grand-chose pour Mme Faron, en raison des «nombreuses exceptions prévues» et du «renforcement des méthodes de contrôle» qui «multipliera les passages en préfecture».
Une fois le rendez-vous obtenu, l'association s'inquiète de «l'enregistrement incertain du dossier», quand bien même toutes les pièces exigées par la loi sont présentées, le dépôt de la demande se transformant régulièrement en «pré-instruction de la demande».
Soulignant que les «pratiques discriminantes concernent souvent des catégories de personnes particulièrement vulnérables», la Cimade dénonce aussi la difficulté d'obtenir une preuve de l'enregistrement, certaines préfectures se contentant de délivrer une «preuve de dépôt».
Elle déplore aussi de voir les préfectures renvoyer régulièrement les étrangers, pour leurs démarches, sur des associations, et s'inquiète de délais d'instruction «se comptant parfois en années».
«Face à ces procédures bloquées, agir est très difficile» pour les demandeurs craignant de s'attirer les foudres des pouvoirs publics, ajoute l'association.
Pour remédier à cette situation, la Cimade émet plusieurs recommandations: allouer des moyens humains «pérennes et suffisants», assurer une formation des personnels, publier la circulaire établissant la liste des pièces exigibles, «communiquer clairement sur les modalités de dépôt des demandes»...
Il faudrait aussi «ne pas dématérialiser les démarches de façon exclusive» selon l'association, «garantir l'octroi d’un rendez-vous dans un délai n'excédant pas un mois», et traiter toutes les demandes «dans le délai légal de 4 mois».