Eloignement des détenus basques: des familles dénoncent «l'usure» psychique et physique

Eloignement des détenus basques: des familles dénoncent «l'usure» psychique et physique

Des familles de détenus membres ou proches de l'organisation ...
© 2016 AFP

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Des familles de détenus membres ou proches de l'organisation séparatiste basque espagnole ETA dénoncent la politique menée en France et en Espagne d'éloignement des prisonniers, avec «l'usure psychique, physique, et la saignée financière» des longs voyages pour visiter leur sœur, fils ou compagnon.

A la veille de manifestations samedi simultanément à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) et Bilbao (Pays Basque espagnol) contre cette politique d'éloignement, deux familles témoignent auprès de l'AFP.

Quatre ans et demi après le cessez-le-feu proclamé par ETA (Euskadi ta Askatatuna, Pays Basque et liberté), elles s'apprêtent à manifester samedi à l'appel du collectif Bagoaz (Nous y allons, en langue basque) qui réunit 24 associations, partis politiques et syndicats pour réclamer le rapprochement des détenus de leurs familles et la libération des prisonniers malades.

Ainsi, le cas de Lorentxa Guimon, 46 ans, française, arrêtée en 2003 pour appartenance à ETA, condamnée à 20 ans de prison, incarcérée à Rennes, atteinte depuis 1991 de la maladie de Crohn (inflammation du système digestif), est au cœur de toutes les préoccupations: «Ma sœur vient de subir une opération chirurgicale. Ces derniers temps, sa maladie a évolué très rapidement. Nous n'avons pas pu la soutenir», lâche Mirentxu Guimon, sœur aînée de Lorentxa.

Lorentxa Guimon, mère d'une fille de 13 ans, a fait une demande de libération conditionnelle en mars 2015, une demande doublement acceptable, selon son avocate, Me Maritxu Paulus-Basurco: «Lorentxa était conditionnable depuis le mois de mai 2014 et, d'autre part, gravement malade comme l'attestent les expertises médicales», précise-t-elle.

Le 24 novembre 2015, un juge d'application des peines (JAP) de Paris avait estimé que «sa libération était nécessaire pour qu'elle bénéficie des soins indispensables dans les meilleures conditions». Mais, le Parquet avait fait appel entraînant le maintien en prison de Lorentxa dans l'attente d'une audience judiciaire, le 14 janvier 2016.

«Dans la semaine qui a suivi l'appel, ma sœur a été hospitalisée d'urgence et s'est retrouvée totalement isolée. Jusqu'à Rennes, il y a 650 km. Difficile de s'organiser au pied levé», se désole Mirentxu.

- 'Double peine' et 'saignée financière' -

«Nous subissons une double peine», s'indigne Amaia Gobet, compagne de David Gramont, français, arrêté en 1998 à Séville alors qu'il transportait des explosifs pour ETA.

«En plus de la peine, ces voyages nous éprouvent physiquement et psychiquement et sont une véritable saignée financière», murmure-t-elle.

Condamné à 18 ans de prison par le Tribunal de l'Audience nationale à Madrid, David Gramont a été incarcéré dans diverses prisons d'Espagne l'éloignant toujours plus de sa famille: «Il est à la prison du Puerto de Santa Maria, dans la province de Cadix. A 1.200 km de Bayonne», précise sa compagne.

«Un temps nous y allions en avion, le voyage nous revenait à 500 euros chaque fois pour le voir quelques heures. Maintenant nous bénéficions d'un système d'autobus géré par l'association Etxerat de défense des prisonniers basques, le voyage revient à 125 euros par adulte», précise Marie-Claire, mère de David qui, depuis 18 ans, effectue sans relâche ces voyages jusqu'à l'épuisement.

David Gramont doit être libéré le 14 mars 2016. «Nous voyons le bout du tunnel, mais nous pensons aux familles dont les membres ont de longues années de prison devant eux. Nous continuerons à manifester pour obtenir ce qui est la norme en droit français comme au niveau européen, l'incarcération à proximité du milieu familial», déclarent d'une même voix la mère et la compagne de David.

Les familles Guimon et Gramont seront à Bayonne samedi pour rappeler à Christiane Taubira, Garde des Sceaux, que le 2 septembre 2015, à l'issue d'une réunion à Paris avec son homologue espagnol, Rafael Catala, elle s'était montrée «disposée à répondre, au cas par cas, aux demandes de rapprochement des détenus basques» emprisonnés en France.

«En Espagne, nous espérons, souligne Amaia Gobet, qu'un changement de gouvernement avec notamment l'émergence de Podemos donnera lieu à une politique carcérale plus humaine».

423 prisonniers basques sont dispersés dans 72 prisons différentes en France comme en Espagne.

ETA, qui a renoncé à la lutte armée en octobre 2011, est tenue pour responsable de la mort de 829 personnes en 40 ans. L'organisation refuse toutefois de se dissoudre, une exigence des gouvernements espagnol et français, en préalable à toute négociation sur le sort des détenus.

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