Noter un hôpital comme un restaurant: oui mais, répondent les praticiens
•Sur le modèle de TripAdvisor ou Yelp, qui évaluent les commerces ou les hôtels, un site internet propose aux patients de noter les hôpitaux et cliniques, une initiative accueillie avec prudence par les acteurs de la santé.© 2015 AFP
Sur le modèle de TripAdvisor ou Yelp, qui évaluent les commerces ou les hôtels, un site internet propose aux patients de noter les hôpitaux et cliniques, une initiative accueillie avec prudence par les acteurs de la santé.
Baptisé «Hospitalidee.fr», le site ambitionne d'être un «outil de démocratie sanitaire», selon son fondateur, Loïc Raynal, un ancien agent EDF toulousain de 40 ans qui raconte en avoir eu l'idée au moment de la maternité de sa femme.
«Nous considérons qu'on a en France un excellent niveau de soin. Il n'est pas question de noter la qualité du soin à proprement parler. En revanche, on s'intéresse au +prendre soin+, et ça, c'est une question d'organisation», a-t-il expliqué à l'AFP.
Habillé de rose et de vert, le site permet de rechercher un établissement sur une carte, et de sélectionner un service : gynécologie, pédiatrie ou urgences. L'internaute coche ensuite une note globale allant de 1 à 5, avant de noter de la même manière le personnel, les soins, la sécurité ou l'accompagnement.
Officiellement inauguré mercredi après environ six semaines de test, la plateforme connaît pour l'instant une modeste audience de 1.000 visiteurs par jour, avec des pics à 7.000, selon M. Raynal.
Les commentaires vont du plébiscite enthousiaste («un service d'exception») au coup de gueule («prise en charge lamentable d'une urgence digestive»), en passant par une majorité de commentaires nuancés soulignant «les plus» et «les moins» de chaque établissement.
- «Ressenti individuel» -
L'initiative a été saluée par le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui représente les patients. Selon son secrétaire général délégué, Christian Saout, l'attrait du site tient à la distinction par services, et par le fait qu'il rend visible «l'expérience des patients», au-delà des indicateurs factuels.
«Ca a évidemment les limites du ressenti, mais aussi tout l'intérêt de l'expérience individuelle», a-t-il estimé auprès de l'AFP.
François Malye, journaliste qui co-réalise le classement annuel des hôpitaux pour le magazine Le Point depuis 18 ans, accueille lui aussi favorablement ce projet «embryonnaire», dans un domaine où «l'information est nulle pour le patient qui veut se faire hospitaliser».
MM. Saout et Malye émettent cependant des «réserves». La Haute Autorité de Santé (HAS) et l'Ordre des médecins adoptent elles aussi une attitude de bienveillance prudente.
La HAS, qui a lancé en 2013 son propre site d'évaluation des hôpitaux, a ainsi souligné dans un mail à l'AFP que Hospitalidee ne recueillait pas les avis «de façon systématique», contrairement aux questionnaires qu'elle compte mettre en place en 2016 et qui doivent faire entendre «toutes les voix des patients», et pas seulement celles des mécontents ou des enthousiastes.
«Il faut certainement stabiliser le site afin de s'assurer de la fiabilité des avis, et bien distinguer la prestation hôtelière de la prestation médicale», a estimé Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l'ordre des médecins, qui met en garde contre «l'instantanéité» permise par Internet.
- 100% anonyme -
Comme pour d'autres sites de ce type, les principaux dangers de la plateforme résident dans le risque d'insultes gratuites et dans la possibilité de faux commentaires, les contributeurs restant totalement anonymes.
M. Raynal souligne qu'il a mis en place des «pares-feux», en dépubliant les attaques ad nominem envers les soignants et en refusant de baser son modèle économique sur la publicité. Son ambition est de vendre aux établissements de santé des analyses «quantitatives et sémantiques» des commentaires publiés.
«Le 0 faux-avis n'existe pas, ce sera de la vigilance systématique», reconnaît-il cependant, indiquant se diriger vers une «certification» des avis en concertation avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), par exemple en demandant à l'internaute de fournir le bon de sortie de l'hôpital afin de prouver qu'il a bien séjourné dans l'établissement qu'il éreinte ou porte aux nues.