Xavier Beulin, leader de la contestation agricole à l'image d'homme d'affaires
Bon orateur, omniprésent dans les médias, Xavier Beulin, 56 ...© 2015 AFP
Bon orateur, omniprésent dans les médias, Xavier Beulin, 56 ans, le puissant patron de la FNSEA et architecte de la mobilisation massive des agriculteurs de jeudi, est aussi à la tête d'un colosse de l'agro-industrie, ce qui lui vaut de nombreuses critiques.
Patron du 1er syndicat agricole depuis 2010, il est céréalier dans la Beauce et président du groupe industriel Avril.
L'entreprise, numéro un des huiles en France, détient les marques Lesieur et Matines (oeufs) et fabrique aussi des biocarburants.
Un mélange des genres qui lui a souvent valu l'image d'un homme d'affaires, plus que d'un syndicaliste, bien qu'il soit engagé dans cette voie depuis plus de 25 ans.
Yeux turquoise et teint mat, M. Beulin voit dans les fortes mobilisations d'agriculteurs qui ont émaillé l'été un «mouvement qu'on n'a pas vécu depuis trois décennies. Ce n'est pas conjoncturel».
Gros travailleur, réputé aussi à l'aise avec les problèmes concrets des agriculteurs que dans les négociations à Bruxelles, Xavier Beulin expose inlassablement et posément son interprétation des problèmes de l'agriculture française, en tentant de ne pas être «trop techno».
Une «erreur fondamentale» serait de ne pas prendre le temps de réfléchir à une nouvelle orientation de l'agriculture française pour les 20-30 prochaines années, expliquait-il fin juillet.
Il faut «privilégier une agriculture qui reste à taille humaine, tout en regroupant les moyens de production» pour rester compétitif face à nos voisins européens, plaide-t-il.
Une vision basée sur des exploitations plus grandes, qui ulcère ses détracteurs.
La Confédération paysanne en particulier, marquée à gauche, voit en lui le promoteur de fermes-usines qui laisseraient à terme des milliers d'agriculteurs sur le carreau.
«L'agriculture est dans le mur, ca fait 40 ans qu'on essaie le même modèle, appuyé par la FNSEA, il faut changer», a encore martelé jeudi Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, partisan d'une agriculture moins productiviste, reposant sur des «critères de qualité» plutôt que de volume.
Le président de la Coordination rurale (marquée à droite), Bernard Lannes, a annoncé que sa formation se «désolidarisait totalement du déploiement de force du roi Beulin avec sa casquette de groupe à 7 milliards», allusion au chiffre d'affaires d'Avril.
'compétitivité' et OGM
Sous le feu des critiques depuis le début de l'été, ce groupe s'est défendu fin juillet, assurant qu'il réinvestissait systématiquement «tous ses résultats dans le développement des filières nationales».
Autodidacte, Xavier Beulin a dû reprendre l'exploitation familiale en 1976, au décès de son père. Alors en terminale et aîné de quatre enfants, il fait une croix sur le bac. Son seul diplôme est donc son permis moto, son péché mignon, comme il aime à le rappeler.
Très jeune, il s'implique en militant au Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA) du Loiret, et grimpe rapidement les échelons, multipliant les casquettes dans des organisations du secteur agricole.
Associé avec son frère et deux cousins, l'agriculteur, marié et père d'un fils, co-dirige une exploitation de céréales (colza, tournesol, blé, orge) d'environ 500 hectares au sud-est d'Orléans.
Avec le temps, Xavier Beulin hésite de moins en moins à utiliser des mots tabous dans l'agriculture française: «compétitivité» ou «OGM», sur lesquels il voudrait rouvrir le débat.
Le syndicaliste tente aussi d'introduire dans le débat agricole des concepts jusque-là réservés au domaine financier, comme la titrisation, qui pourrait permettre à des fonds d'investir davantage dans l'agriculture.
Chahuté à quelques reprises par des éleveurs durant des manifestations cet été, il est resté stoïque. «C'est Le Foll (ministre de l'Agriculture, ndlr) qui aurait dû être à ma place», avait-il glissé sous les sifflets et les jets de nectarines de jeunes agriculteurs.