Faire cohabiter séniors et actifs, le pari du logement intergénérationnel séduit

Faire cohabiter séniors et actifs, le pari du logement intergénérationnel séduit

"Bonjour tout le monde", lance la pétillante Élisabeth Jornet, ...
© 2015 AFP

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«Bonjour tout le monde», lance la pétillante Élisabeth Jornet, 33 ans, avant d'embrasser tendrement ses voisins Florence et César Gueule, 83 et 92 ans, assis sur le canapé de la salle commune de leur résidence intergénérationnelle, un concept qui connait un succès grandissant.



La mère de famille répète ce rituel presque tous les jours après le déjeuner, depuis qu'elle vit dans la Maison de Marianne à Menucourt (Val-d'Oise), ensemble de logements sociaux où cohabitent retraités et actifs.

L'objectif: favoriser les échanges entre les générations. «Si j'ai une course à faire, je peux toujours trouver quelqu'un pour garder les enfants», raconte la professeure de fitness, qui s'investit dans la vie de la communauté d'une centaine d'appartements en organisant «cours de Zumba et apéritifs dinatoires».

«Nous sommes contents de rencontrer des jeunes, de voir les enfants qui jouent. Parce que le problème avec les maisons de retraite, c'est qu'on est confiné entre nous», explique de son côté Brigitte Muller, 62 ans, retraitée depuis deux ans. Derrière elle, sur un écran défilent des photos de la récente fête des voisins.

A Menucourt, la moitié des locataires sont des seniors, mais cela peut aller jusqu'à 80% dans certaines résidences. Les autres sont des jeunes couples, des familles ou des étudiants. Chacun a son logement, du studio au trois pièces, mais tous peuvent se retrouver dans une salle commune ou autour d'activités (sophrologie, repas, projections de films...).

Né dans les années 1970 mais quelque peu oublié, le logement intergénérationnel et participatif a été adapté en 2009 pour les bailleurs sociaux par Eric Vialatel, PDG du constructeur immobilier Marianne Développement. «C'est important de maintenir les personnes âgées dans un environnement où il y a toutes les tranches d'âge», explique-t-il, assurant vouloir combattre un individualisme «subi» et permettre «un relationnel plus ouvert».

- «Exponentiel» -

La résidence de Menucourt a ouvert la première en mars 2013. Depuis, «c'est exponentiel», affirme le promoteur: trois autres auront poussé d'ici la fin de l'été, dix doivent ouvrir d'ici un an et 70 sont en développement.

Alors que l'écrasante majorité des Français préfère vieillir à domicile, cette solution séduit sous plusieurs formes: les résidences, gérées par un bailleur social, une commune ou les habitants eux-mêmes, et la colocation avec un étudiant, confirme la sociologue Anne Labit.

«C'est dans l'air du temps», analyse-t-elle. «On a l'impression que les relations intergénérationnelles ne vont plus de soi. On se sent obligés de pallier ça.» Isabelle Mallon, également sociologue, abonde: «ça correspond à un mouvement global pour recréer du lien de proximité».

Pour elle, cette formule «permet aux personnes âgées de rester en prise avec le monde par autre chose que la famille ou la télévision et d'éviter une certaine désinsertion sociale que l'on constate en maison de retraite».

Malgré son succès, le concept «n'a pas non plus vocation à se généraliser», tempère Anne Labit. Aujourd'hui, 95% des Français âgés restent vivre chez eux et 4% vont en maison de retraite, avance-t-elle. Même dans les pays les plus en pointe, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède ou le Danemark, où les pouvoirs publics déploient des moyens «beaucoup plus importants qu'en France», seuls 1% à 2% des seniors sont concernés.

Les Maisons de Marianne «nous indiquent le chemin à suivre», a tout de même estimé le Premier ministre Manuel Valls en inaugurant mi-avril une autre résidence dans son fief d'Évry (Essonne). «Nous devons toujours veiller à ce que les générations puissent vivre et évoluer ensemble, au contact les unes des autres.»

Même si le tableau n'est pas toujours idyllique: ce vendredi de vacances scolaires, les jeunes passent dans la salle commune mais ne s'attardent guère. «Ils se sentent moins impliqués», regrette Brigitte Muller. «Je pense que pour eux le principal c'est d'avoir un logement, et ils ont une vie beaucoup plus bousculée que la nôtre.»

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