Pour faire ses courses au supermarché La Louve, il faudra aussi y travailler

Pour faire ses courses au supermarché La Louve, il faudra aussi y travailler

Pour pouvoir faire ses courses au supermarché La Louve, dans ...
Une file d'attente devant le local temporaire de La Louve à Paris le 21 février 2015
Une file d'attente devant le local temporaire de La Louve à Paris le 21 février 2015 -  Fournie par Franck Sainmont
© 2015 AFP

© 2015 AFP

Pour pouvoir faire ses courses au supermarché La Louve, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, il faudra y travailler quelques heures chaque mois: en s'inspirant d'un exemple new-yorkais, deux Américains installés dans la capitale ont conçu un projet innovant qu'ils espèrent concrétiser fin 2015.

Objectif: offrir à ces consommateurs un peu particuliers des prix inférieurs à ceux des autres commerces, moyennant un allègement des coûts.

Ce supermarché «coopératif et participatif», à but non lucratif, n'aura en fait pas de clients mais des «membres»: chacun doit y investir au moins 100 euros (10 euros pour les bénéficiaires de minima sociaux), et devra y travailler trois heures consécutives toutes les quatre semaines.

«A la caisse, au nettoyage, à la manutention ... Tout ce qui peut s'effectuer par microtranches», explique à l'AFP l'un des cofondateurs, Tom Boothe, 45 ans. «Les tâches nécessitant un suivi, telles qu'achats ou comptabilité, seront elles confiées à des salariés, cinq au début».

Tom Boothe et Brian Horihan se sont rencontrés alors qu'ils étudiaient le cinéma dans le Wisconsin. Installés à Paris depuis plusieurs années, ces gastronomes se sont appuyés sur le modèle de la Park Slope Food Coop, qui existe depuis 40 ans à Brooklyn, pour concevoir leur projet.

Grâce à ses coûts de main d'oeuvre allégés, le supermarché pourra afficher des prix inférieurs «de 15 à 40%» à ceux des autres commerces, estime Tom Boothe. «Cela peut élargir l'accès aux bons produits des personnes qui ont peu de moyens».

Les produits vendus dans un local de 1.450 mètres carrés, situé rue des Poissonniers dans le XVIIIe, seront bio mais pas seulement. «C'est un projet adulte, pas moralisateur. Je déteste les gens qui se permettent de dire aux autres ce qu'il faut manger», explique Tom Boothe, qui donne des cours d'oenologie à ses heures perdues.

Selon lui, ouvrir une boutique exclusivement bio dans ce quartier populaire aurait exclu une partie de la clientèle, «qui n'a peut-être pas les mêmes moyens ou valeurs éthiques». Les produits seront donc de différentes gammes, du bio de haute qualité à quelques marques industrielles.

- 'Aventure humaine' -

Les premiers membres de la Louve ont déjà pu tester les produits grâce au groupement d'achats lancé en 2011, basé dans un local provisoire, rue de la Goutte d'Or. La viande est achetée à un producteur bio en Bretagne, le fromage sélectionné par un «meilleur ouvrier de France», les légumes choisis avec l'aide du «responsable du potager du roi du château de Versailles».

Le projet de supermarché semble sur les rails: les statuts de la coopérative ont été déposés en décembre, et un appel de fonds avait réuni à la mi-février 135.000 euros, sur les 150.000 de fonds propres nécessaires au démarrage. Cette somme apportée par des donateurs, mais surtout par 945 membres, représente environ 10% du budget total.

Parmi les autres financeurs figurent la Fondation Macif, qui a accordé en 2014 une subvention de 20.000 euros et accompagne le montage du projet. «On réfléchit à un nouveau soutien en 2015 pour ce projet socialement innovant, qui répond à un besoin d'une alimentation plus saine et plus accessible», indique Alice Sorel, de la Fondation.

France Active, qui finance des projets d'économie sociale et solidaire, a accordé un prêt de 400.000 euros. La région Ile-de-France, la Ville de Paris et la mairie du XVIIIe soutiennent également le projet.

Une réunion d'information a lieu chaque mercredi soir dans le local de la Goutte d'Or. Mathilde, 27 ans, chargée de mission dans un réseau associatif, est membre depuis 2013, attirée par «une solution pas chère pour bien manger» mais surtout par «l'aventure humaine». «Chacun amène son temps, son argent, sa bonne volonté», s'enthousiasme-t-elle.

Nicole Pernot, une retraitée de 68 ans, a pour sa part adhéré il y a un mois, séduite par l'idée de «manger autrement» et d'«en faire profiter (sa) famille. Je ne connais rien au commerce, mais je peux aider à dresser les étagères, faire le ménage, des tâches banales».

«On partage les risques, mais aussi la fierté», résume Tom Boothe, estimant qu'«il faut 2.000 membres pour atteindre l'équilibre financier».