L'affaire Mis et Thiennot devant la Cour de révision des condamnations pénales
•La commission de révision des condamnations pénales s'est penchée lundi sur le dossier de Mis et Thiennot, deux hommes condamnés il y a plus de 60 ans pour le meurtre d'un garde-chasse, et a mis sa décision en délibéré au 16 mars.© 2015 AFP
La commission de révision des condamnations pénales s'est penchée lundi sur le dossier de Mis et Thiennot, deux hommes condamnés il y a plus de 60 ans pour le meurtre d'un garde-chasse, et a mis sa décision en délibéré au 16 mars.
Il s'agissait de la sixième demande de révision formulée dans cette affaire souvent citée dans les annales judiciaires et qui a mobilisé depuis des dizaines d'années avocats et membres d'un comité de soutien qui se battent pour la réhabilitation des deux hommes, aujourd'hui décédés.
Il s'agit aussi de la première réunion de la toute nouvelle cour de révision et de réexamen des condamnations pénales créée le 11 juin dernier.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, seulement une dizaine de condamnations aux assises ont été annulées.
La nouvelle cour est plus ouverte car composée de 18 magistrats issus de toutes les chambres de la Cour de cassation (criminelle, civile, commerciale et sociale) alors que la précédente ne comptait que des membres issus de la chambre criminelle, «plus sévères» et parfois «excessivement prudents», selon Me Jean-Pierre Mignard, l'avocat des familles.
Cinq magistrats nommés en son sein forment une commission d'instruction chargée de statuer sur «la recevabilité des demandes». C'est cette formation qui a étudié lundi à huis clos la demande de révision.
«J'ai le sentiment d'avoir été entendu par des magistrats honnêtes et soucieux face à une affaire dont je vois bien qu'elle les tourmente tous car chacun considère qu'il s'est passé des choses inadmissibles. Le problème c'est: est-ce-que le droit aujourd'hui peut nous permettre d'en sortir ? Nous disons que oui, l'avocat général a dit peut-être», a expliqué Me Mignard à l'issue de l'audience.
Raymond Mis et Gabriel Thiennot avaient été condamnés pour le meurtre du garde-chasse Louis Boistard, retrouvé mort le 31 décembre 1946 dans un étang de Saint-Michel-en-Brenne (Indre).
Arrêtés avec un groupe de chasseurs début 1947, ils étaient passés aux aveux avant de se rétracter. Ils n'ont ensuite jamais cessé de clamer leur innocence, affirmant avoir subi de graves sévices durant leur garde à vue de huit jours et avoir été obligés de signer des aveux sous la torture.
- 'Un élément nouveau' -
A l'audience, Me Mignard a fait valoir que la convention internationale de 1984 sur la torture prévoit «que toutes les déclarations, c'est-à-dire les procès-verbaux, obtenus à l'aide d'actes de torture, doivent être éradiqués des procédures». Or tout le dossier repose sur les aveux des deux hommes, a-t-il souligné.
Il a également indiqué avoir transmis à la commission «de nouveaux documents sur l'attitude pendant la Seconde Guerre mondiale du commissaire Georges Garaud» qui a mené l'enquête, afin de démontrer sa partialité.
«Nous savons maintenant qu'il était engagé dans la Révolution nationale de Pétain alors que Gabriel Thiennot était dans la Résistance, comme plusieurs membres de sa famille», a expliqué l'avocat, pour qui le policier aurait agi «par idéologie».
«Sur le premier point, l'avocat général a dit que s'il partageait l'esprit de mes demandes, j'allais au-delà de ce que la commission de révision pouvait faire puisqu'elle n'a pas, selon lui, des pouvoirs juridictionnels lui permettant d'aller jusque là», a rapporté Me Mignard.
Sur le second point, le magistrat a «ouvert la possibilité d'investigations nouvelles de la commission sur la personnalité du commissaire Daraud afin de déterminer si celle-ci a pu peser sur la conduite de l'enquête, estimant que cela pourrait constituer un élément nouveau» susceptible de conduire à une révision, a expliqué Me Mignard.
«Je voudrais pouvoir avoir confiance mais j'ai un doute, j'ai été trop échaudée. Mais c'est mon combat et j'irai jusqu'au bout. Je l'ai promis à mon mari», a expliqué à la presse Jeannine Thiennot entourée de ses deux fils Eric et Thierry.
Le président d'honneur du comité de soutien, Léandre Boiseau confie avoir «l'impression qu'il y avait une bonne écoute des magistrats, ce qui n'a pas toujours été le cas les fois précédentes. Je suis plus optimiste que d'habitude».