Un record, et alors ?
TRANSPORT – Notre questions-réponses sur la performance et nos vidéos...Alexandre Sulzer, envoyé spécial
Quel est le record établi?
Le TGV a pulvérisé mardi le record du monde de vitesse sur rail, en atteignant 574,8 km/h à 13h14. Le précédent record était vieux de 17 ans: en mai 1990, le TGV avait atteint 515,3 km/h. Le record a officiellement été établi à 13h14 au km 191 sur la ligne à grande vitesse Est-européenne.
C’est un peu moins que le record absolu de vitesse d'un train détenu par le modèle expérimental japonais Maglev à sustentation magnétique (581 km/heure en 2003). Toutefois, le record du Maglev relève d’un autre type, souligne la SNCF : sans roue ni contact avec le sol, ce record a été établi sans passagers à bord, sur une ligne spécialement conçue à cet effet.
Michel Massinon réagit
Quel est le but de ce record?
La SNCF avoue avoir voulu «faire rêver le monde entier», au moment où le TGV rêve de conquête européenne.
Objectif: améliorer l'image de marque du train français à l'heure où la SNCF mort sur les lignes allemandes, avec un Paris-Stuttgart dès le mois de juin 2007 et un Paris-Munich ouvert en décembre 2007.
Mais au-delà du prestige de la marque France, il s’agissait pour les opérateurs du record de recueillir un certain nombre de données pour améliorer la fiabilité des infrastructures et le confort de la rame.
Qu'est-ce que ça va changer pour les passagers?
A terme, grâce aux données recueillies, les exploitants du TGV espèrent réduire les vibrations et le bruit à l'intérieur des wagons.
Est-ce que les trains passagers iront plus vite?
Non, les TGV conserveront leur vitesse de croisière actuelle de 320 km/h. Ces essais devraient tout de même permettre de déterminer un nouveau cahier des charges en 2008 pour le «TGV nouvelle génération» qui sera mis en place en 2013. La SNCF avoue ne pas savoir elle-même si ces trains iront plus vite qu'aujourd'hui. Une accélération à 350 km/h est envisagée.
La rame utilisée est-elle «normale»?
Baptisée V150 car elle atteint les 150 m/s, elle a représenté 14 mois de travail et comporte quelques différences avec une rame habituelle. Sa puissance est de 20 mégawatts contre 9 pour une rame normale. Avec ses trois voitures — contre neuf habituellement — elle mesure 120m de long (200 pour les rames courantes).
Quelques changements aussi côté design. Celui-ci se veut futuriste, avec un habillage extérieur «jet de chrome sur fond noir», censée «évoquer l'univers de la technologie de pointe», selon la SNCF, RFF et Alsthom, les trois partenaires du record.
La V150 peut également se prévaloir de deux motrices du TGV Est-européen, qui ne sont pas encore utilisées par les autres trains, et d'élements de l'AGV, rame amenée à remplacer le TGV dans le futur et qui pourrait être utilisée d'ici deux ans en Italie. A l'intérieur, moins de sièges mais un laboratoire chargé de prendre des mesures techniques pendant le trajet.
Arriveetgv
Pourquoi le train n'est-il pas allé plus vite?
«580 présentait trop de risques, on entrait dans l'inconnu», a expliqué Patrick Trannoy, le directeur de la LGV Est à Réseau ferré de France. «L'objectif était 570», a-t-il insisté. La voie aurait sans doute supporté une viteesse supérieure, mais l’alimentation électrique n’aurait pas suivi.
Pour la SNCF, 574 km/h, c’était la vitesse maximale pour des conditions de sécurité maximum, à la fois pour les passagers et le matériel.
La ligne a-t-elle été adaptée?
Même s’il s’agit d’une future ligne commerciale, elle a nécessité certaines adaptations techniques. L'alimentation des caténaires a été augmentée de 25.000 volts à 32.000 volts. Les câbles ont été plus fortement tendus ( à 4 tonnes par mètre contre 2,7 tonnes normalement).
Le devers (la différence de hauteur entre les deux rails dans les virages pour accompagner la force centrifuge) a aussi été augmenté de 3 à 4 centimètres sur une douzaine de virages.
Qui était à bord?
Une centaine de personnes. Une quarantaine de techniciens, une trentaine de journalistes et autant de clients prestigieux étrangers (indien, brésilien, coréen, américain...) ainsi que les dirigeants de RFF, d'Alstom et de la SNCF, sans oublier le commissaire européen aux Transports, Jacques Barrot.