Grève des avocats, le renvoi du procès Meilhon pour emblème

Grève des avocats, le renvoi du procès Meilhon pour emblème

Le mouvement des avocats en colère contre le projet Macron de réforme des professions réglementées a connu un épisode spectaculaire mardi avec le renvoi sine die du procès en appel de Tony Meilhon.
© 2014 AFP

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Le mouvement des avocats en colère contre le projet Macron de réforme des professions réglementées a connu un épisode spectaculaire mardi avec le renvoi sine die du procès en appel de Tony Meilhon.

Condamné à perpétuité pour le meurtre en 2011 de la jeune Laetitia Perrais, Meilhon est au centre d'une affaire hors norme qui avait donné lieu, en 2011, à une grève historique des magistrats mis en cause par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, dans le suivi de ce récidiviste.

Mardi, à l'ouverture du procès en appel à Rennes, son avocat, Fathi Benbrahim, a annoncé avoir «décidé de faire grève compte tenu du dépôt du projet de M. Macron qui impacte fortement et gravement notre profession». Le renvoi a été décidé, malgré l'opposition de l'accusation, qui dénonçait une «instrumentalisation». Les barreaux du grand-ouest sont particulièrement en pointe dans le mouvement.

Une grande partie des avocats sont vent debout contre le projet porté par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, qui doit être présenté en Conseil des ministres à la mi-décembre.

Il prévoirait notamment la création d'un statut d'avocat en entreprise, ainsi que l'ouverture aux tiers (sauf banques et assurances) du capital social minoritaire des sociétés d'avocats. Mesures qui selon la profession portent atteinte à son indépendance.

Il élargirait également la postulation territoriale réservant aux avocats locaux la capacité de saisir les tribunaux de grande instance en matière civile, au risque de déboucher, selon la profession, sur des «déserts juridiques».

Les avocats s'inquiètent aussi de la réforme du financement de l'aide juridictionnelle, pour la prise en charge des frais de justice des plus modestes. Le gouvernement envisage de mettre à contribution les cabinets ne pratiquant pas de missions d'aide juridictionnelle, proposition unanimement rejetée.

La profession est toutefois divisée. Le principal barreau, celui de Paris qui concentre 40% des 60.000 avocats du pays, n'avait ainsi toujours pas annoncé mardi en fin d'après-midi s'il entendait se joindre au mouvement, ni sous quelle forme.

- Renvoi pour 'le Monstre' et 'Bouclettes' -

Le Conseil national des barreaux, qui a demandé à être reçu par M. Macron, a en effet laissé aux 164 barreaux français le soin de choisir leur forme d'action.

Certains avaient voté des grèves totales, et le mouvement a ainsi provoqué d'autres reports en région, comme à Marseille où la comparution devant le tribunal correctionnel de cinq figures présumées du milieu répondant aux surnoms de «Bouclettes», «la Truffe» ou «le Monstre» a été reprogrammée en décembre.

En Franche-Comté, la totalité des audiences devaient être reportées. La plupart l'ont été à Mulhouse, où le mouvement doit durer jusqu'à vendredi et où le bâtonnier Me Sophie Pujol Bainier a jugé «scandaleux» que le tribunal ait néanmoins jugé un mineur mardi, en l'absence d'avocat.

A Vannes, un procès d'assises pour braquages de bijouteries a été reporté à juin, un accusé en profitant pour demander -en vain- sa remise en liberté.

Grève des audiences également à Valence, Privas, La Roche-sur-Yon, Bayonne, Poitiers, Périgueux, en Corse, dans le Nord/Pas-de-Calais ou à Auxerre, où les grévistes ont déversé fumier et pneus devant le palais de justice, ainsi que dans nombre de barreaux d'Ile-de-France. Grèves prévues jeudi à Orléans et Tours. Mais simple lecture de motion à Lyon; distribution de tracts à Mont-de-Marsan et Dax; pas de désignations d'office en Haute-Savoie.

Les avocats prévoient également d'ici la fin de semaine des rassemblements devant les cours d'appel, parfois les préfectures et la «sensibilisation» des parlementaires.

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