Il y a cent ans, la Première guerre mondiale s'enlisait dans les tranchées
•Le 17 novembre 1914, l'échec des Allemands à la bataille d'Ypres, dans le nord-ouest de la Belgique, achève de figer le front sur 750 km de la Suisse à la mer du Nord.© 2014 AFP
Le 17 novembre 1914, l'échec des Allemands à la bataille d'Ypres, dans le nord-ouest de la Belgique, achève de figer le front sur 750 km de la Suisse à la mer du Nord.
Les combattants des deux camps ne le réalisent pas encore, mais le conflit qui devait être court vient de changer de nature: c'est le début d'une «guerre des tranchées» qui durera plus de trois ans, fera des millions de victimes pour rien, et incarnera à jamais l'horreur de la Première guerre mondiale.
Après la bataille de la Marne début septembre qui a stoppé l'avancée de l'armée allemande, celle-ci s'est repliée vers le nord sur les hauteurs qui dominent l'Aisne. Ses soldats, dans un réflexe défensif, se sont mis à creuser des tranchées pour s'abriter de l'artillerie qui fait des ravages dans les rangs des deux armées depuis le début de la guerre. Incapables de les déloger, les Français vont faire de même.
Faute de parvenir à prendre l'avantage sur cette portion du front, Alliés franco-britanniques et Allemands tentent alors, à partir de la mi-septembre, de se déborder mutuellement vers l'ouest, une succession de furieux affrontements faisant rapidement remonter le front vers la mer du Nord. C'est ce que certains historiens appelleront la «course à la mer», qui s'achève deux mois plus tard sur les plages belges.
Les Allemands, début octobre, ont renforcé considérablement leurs positions autour de la ville d'Ypres, en Belgique, tenue par les Britanniques, espérant ensuite gagner les ports de Calais et Boulogne par où arrivent les renforts britanniques. A court d'hommes et de ravitaillement, ils devront renoncer à la mi-novembre, alors que les premières neiges font leur apparition.
C'est l'impasse. Faute d'avoir pu emporter la bataille décisive qui aurait pu abattre l'ennemi, incapables de mobiliser rapidement de nouvelles forces, les deux camps épuisés par quatre mois d'une meurtrière guerre de mouvement vont s'enterrer pour survivre aux bombardements incessants, en attendant de repartir à l'attaque.
- fraternisations -
A Noël 1914, au bout d'à peine cinq mois de guerre, l'étendue des pertes humaines est sans précédent dans l'Histoire. Sur le seul front occidental, Français, Belges et Britanniques ont perdu plus d'un million d'hommes (dont une très grande majorité de Français) tandis que les Allemands comptent quelque 750.000 victimes.
Les soldats qui avaient pensé être de retour chez eux, guerre terminée, à cette date, sont épuisés, et choqués par l'étendue des pertes. L'ambiance est morose dans les tranchées et les cantonnements de l'arrière.
Et puis, au petit matin du 25 décembre, les Britanniques qui tiennent toujours les tranchées autour d'Ypres, entendent des chants de Noël provenant des positions ennemies... Lentement, des groupes de soldats allemands vont sortir de leurs abris jusqu'au milieu du no man's land - l'expression date de cette époque - pour inviter les Britanniques à venir les rejoindre. Là, au milieu d'un paysage dévasté par les obus, ils vont discuter, échanger des cadeaux, jouer au football.
D'autres scènes de fraternisation seront rapportées ailleurs entre troupes alliées britanniques et allemandes, mais les autorités militaires vont immédiatement les sanctionner, et la guerre reprendre ses droits.
Durant ce premier hiver, les deux camps s'affairent à consolider leurs positions en aménageant un système de tranchées de plus en plus profond, complexe et sophistiqué, qui s'étendra bientôt sur les 750 km de la ligne de front.
- l'obsession de la percée -
Ces positions défensives, sur des kilomètres de profondeur, se révèleront quasiment inexpugnables: l'obsession de la «percée décisive» qui hantera pendant trois ans les états-majors des deux camp n'aboutira qu'à une succession d'offensives aussi sanglantes que vaines.
A côté de nombreuses opérations aux objectifs minuscules que le général Joffre, commandant en chef français, justifiera par sa célèbre formule «je les grignote», des grandes batailles opposant des millions d'hommes pendant des semaines ou des mois ponctueront cette guerre de positions sans autre résultat que de faire des centaines de milliers de victimes.
La première offensive, venant des Alliés, aura lieu en Artois dès le 16 décembre 1914 mais sera rapidement arrêtée le 19. D'autres se développeront tout au long de 1915: du 15 février au 18 mars, en Champagne, puis du 9 mai au 18 juin à nouveau en Artois.
Le 22 avril 1915, pour la première fois, des gaz asphyxiants seront utilisés par les Allemands à Langemark, près d'Ypres, en Belgique, marquant durablement les esprits des combattants.
L'apogée de ces grandes batailles apocalyptiques interviendra en 1916, avec l'offensive allemande infructueuse de Verdun qui fera 800.000 morts et blessés des deux côtés, puis l'hécatombe de la Somme qui fera 1.200.000 victimes dont 400.000 morts en quelques semaines, essentiellement parmi les forces britanniques qui perdront 20.000 morts le premier jour de leur offensive.
Ce n'est qu'au printemps 1918 que les Allemands parviendront à briser le front, relançant la guerre de mouvement jusqu'aux portes de Paris avant de s'effondrer définitivement à l'automne face à une contre-offensive généralisée des Alliés, galvanisés par l'arrivée à l'été des premières troupes américaines.