«Abrogation» du mariage gay : Sarkozy brouille son message et fâche ses soutiens

«Abrogation» du mariage gay : Sarkozy brouille son message et fâche ses soutiens

En se rangeant dans le camp de l'abrogation de la loi Taubira ...
L'ancien président français Nicolas Sarkozy, le 15 novembre 2014 à Paris
L'ancien président français Nicolas Sarkozy, le 15 novembre 2014 à Paris - Dominique Faget AFP
© 2014 AFP

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En se rangeant dans le camp de l'abrogation de la loi Taubira sur le mariage homosexuel, Nicolas Sarkozy, en course pour la présidence de l'UMP, a pris le risque de rallumer une querelle quasi éteinte et de brouiller son message de rassemblement tout en fâchant certains de ses soutiens les plus proches.

Depuis qu'il a dit qu'il fallait "abroger" et non plus "réécrire" la loi Taubira, samedi sous la pression d'un public très hostile au mariage gay, l'ancien président affronte une avalanche de réactions négatives, sans surprise venant de la majorité mais aussi de son propre camp.

Alain Juppé, que M. Sarkozy pourrait affronter lors de la primaire pour 2017, a affirmé lundi qu'abroger la loi Taubira n'était "pas du tout une bonne idée".

Toutefois, le maire de Bordeaux a sur deux autres questions régulièrement soulevées au sujet de la loi Taubira, la GPA (gestation pour autrui) et la PMA (procréation médicalement assistée), les mêmes positions que M. Sarkozy et la quasi-totalité du personnel politique. En revanche, M. Juppé est lui en faveur de l'adoption par les couples homosexuels.

Sans surprise, les déclarations de Nicolas Sarkozy devant l'association Sens commun, née au sein de l'UMP dans le sillage de la Manif pour Tous (qui avait également invité les deux autres candidats à la présidence de l'UMP, Bruno Le Maire et Hervé Mariton) ont été condamnées par la gauche. Emmanuelle Cosse (EELV) a ainsi reproché à M. Sarkozy d'"utiliser les homosexuels à des vues politiciennes".

Manuel Valls a lui estimé lundi soir que "quand on a été président de la République, on ne cède pas à une foule".

Mais, à douze jours du scrutin UMP (29 novembre), les critiques émanant de ses soutiens sont potentiellement plus gênantes pour celui qui martèle à chaque meeting la nécessité pour son camp de se "rassembler".

Ainsi, Nathalie Kosciusko-Morizet, ex-porte-parole de sa campagne de 2012 et très proche de lui, n'est "pas du tout d'accord" avec l'ex-chef de l'Etat, ni Christian Estrosi, qui considère le mariage homosexuel comme "une avancée", ni Valérie Pécresse, pour qui l'abrogation n'est "pas humainement réaliste".

- 'Quadrature du cercle' -

Dans son entourage, on explique au contraire que "Nicolas Sarkozy a voulu donner la preuve qu'il a su écouter et trouver une sorte de passage entre deux points de vue irréconciliables", les pro et les anti-mariage gay.

"Dans tous les cas, on l'attend au virage. C'est lui qui mène le débat politique", se félicite le député européen Renaud Muselier, l'un des rares à prendre sa défense, avec les deux cofondateurs de la Droite forte, Geoffroy Didier et Guillaume Peltier.

"On joue sur les mots", a dit le premier. "Pour réécrire une loi, il en faut une nouvelle. Pour qu'il y ait une nouvelle loi, il faut abroger la première!, a affirmé le second.

"Pour avoir échangé plusieurs fois avec lui sur ce sujet, je peux témoigner que sa position est mûrement réfléchie", a renchéri Laurent Wauquiez.

Autre sujet à polémique, la déclaration de M. Sarkozy samedi devant Sens commun, selon laquelle il faudrait "deux mariages", l'un pour les homosexuels, l'autre pour les hétérosexuels. Cette déclaration-là est "plus importante" que celle sur l'abrogation, avait d'ailleurs insisté M. Mariton auprès de l'AFP car, en disant cela, "il fragilise le mariage".

Pour le politologue Philippe Braud, "Sarkozy était obligé de prendre parti. Mais comment fait-on quand sa famille politique est partagée en deux camps émotionnellement aussi opposés? C'est la quadrature du cercle et presque un cas d'école en stratégie de communication", selon M. Braud.

Si la droite revenait au pouvoir, elle n'est de toute façon pas certaine de pouvoir abroger la loi Taubira, une question qui divise les constitutionnalistes.

"Ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire", selon Didier Maus. Difficile à envisager pour son confrère Dominique Rousseau, car "il n'y aurait qu'une seule voie pour cela, c'est de soumettre son abrogation au référendum, car les lois votées par référendum ne sont pas, selon la jurisprudence, contrôlées par le Conseil constitutionnel". Mais une question de société ne peut pas être soumise à référendum.