La Tour Triangle, objet de toutes les controverses
La Tour Triangle est-elle écologique? Quelle est sa contribution économique? Qu'apporte-t-elle sur le plan architectural?© 2014 AFP
La Tour Triangle est-elle écologique? Quelle est sa contribution économique? Qu'apporte-t-elle sur le plan architectural?
Arguments et contre-arguments sur un projet hautement polémique qui prévoit la construction de cette tour de 180 m à Paris, au Parc de Expositions de la porte de Versailles.
QUESTION: La tour Triangle est-elle écologique?
REPONSE: Les tours sont communément considérées comme des objets architecturaux peu écologiques: si elles permettent - théoriquement - une densification du bâti, elles sont aussi structurellement énergivores. «Contrairement à une idée reçue, le gratte-ciel est énergivore et ne saurait être vraiment +écologique+. La fabrication de ses matériaux de construction (béton performant, vitrage et aciers spéciaux sophistiqués) est coûteuse en énergie, puis lorsqu'il fonctionne, il s'avère particulièrement gourmand en électricité (aération, chauffage, bureautique, ascenseur)», écrivent Julien Damon et Thierry
quot («Les 100 mots de la ville», Que sais-je? Septembre 2014).
Les concepteurs de la Tour Triangle mettent pourtant en avant ses qualités environnementales. Elle «sera au minimum 30% plus performante que ce qu'impose la réglementation thermique (RT 2012) issue des lois Grenelle. Elle consommera plus de quatre fois moins d'énergie que la moyenne du parc tertiaire existant» et elle «suivra les objectifs du plan Climat de Paris» (consommation inférieure à 50Kwhep/m2). Ceci grâce à son profilage, à l'utilisation de la géothermie, à la récupération de «plus de 70% de la chaleur de l'air extrait», et à une «double peau ne laissant filtrer que 7% de la chaleur solaire dans le bâtiment, l'été».
Fondateur du cabinet Enertech, spécialiste de la consommation énergétique des bâtiments, Olivier Sidler fait montre d'un certain scepticisme, et met en avant l'écart constaté entre la consommation réelle des bâtiments et le «calcul réglementaire» (qui ne prend pas en compte la consommation des ascenseurs par exemple). «La réalité est toujours très différente (...) ce n'est pas la première tour qui se revendique de performances qu'elle n'a jamais eues», a-t-il expliqué à l'AFP.
Les Verts invitent par ailleurs à regarder la tour dans son contexte: ville la plus dense d'Europe, Paris manque d'abord de logements, et Triangle ne fera qu'accentuer le déséquilibre logements/bureaux à l'échelle de l'agglomération, et donc les trajets pendulaires.
Q: Quelle est la contribution économique de Triangle?
R: Pour les défenseurs du projet, Triangle va créer 5.000 emplois au moment de sa construction, et 5.000 autres lorsqu'elle sera opérationnelle. La Tour permettra de «dynamiser» le Parc des Expositions où elle doit s'implanter, elle offrira des espaces de bureaux vastes et modernes, alors que les bureaux installés dans l’haussmannien sont obsolètes et ont du mal à trouver preneur. Elle n'offrira pas que des espaces du bureaux, puisque sont aussi prévus des services publics (crèche, maison de santé et peut-être un équipement culturel), des commerces (1.600m2), un atrium, un belvédère et un restaurant panoramique.
Les détracteurs de la Tour soulignent au contraire qu'il s'agit essentiellement de «bureaux en blanc», alors que les bureaux vides ne manquent pas à Paris. Ils notent que la Tour «accueillera» 5.000 emplois mais ne les créera pas, ou à la marge. Ils rappellent l'appauvrissement du projet, alors qu'était souhaitée au départ une véritable synergie avec le Parc des Expositions, avec un centre de congrès, un hôtel, une pépinière d'entreprises. Le Parti de gauche a dénoncé un projet «pensé pour le seul bonheur des intérêts privés». L'UMP met en avant la saturation des moyens de transports.
Q: Quel est l'apport architectural de Triangle ?
R: Conçu par le prestigieux cabinets d'architectes Herzog et de Meuron (prix Pritzker 2001), le bâtiment est «beau», selon Jacques Herzog. Plus qu'une tour, c'est un «monument» qui marquera une des «futures places du Grand Paris», et fera le lien entre Paris et sa banlieue, selon l'adjoint à l'urbanisme d'Anne Hidalgo, Jean-Louis Missika. «Moderne», la tour sera un signe du dynamisme de Paris et de sa capacité à se renouveler.
Bâtiment «passéiste», juge au contraire Nathalie Kosciusko-Morizet, qui déplore un geste architectural «isolé», et dit préférer les quartiers de tours comme à La Défense. L'association de défense du patrimoine Monts 14 accuse aussi Triangle de «gâche(r) le paysage» parisien - sans même parler du préjudice subi par les riverains en raison des ombres portées. L'Unesco a estimé que la caractéristique de Paris était d'être «l'une des rares villes horizontales préservées» et que ce serait une erreur d'y multiplier les tours.