Polémique sur la maladie de Lyme: prison avec sursis pour deux «lanceurs d'alerte»

Polémique sur la maladie de Lyme: prison avec sursis pour deux «lanceurs d'alerte»

Soutenus par des milliers de patients, ils dénonçaient le "déni" ...
© 2014 AFP

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Soutenus par des milliers de patients, ils dénonçaient le «déni» de la maladie de Lyme, transmise par les tiques: deux professionnels de santé, adeptes de méthodes alternatives, ont été condamnés jeudi à Strasbourg à neuf mois de prison avec sursis pour «escroquerie» et «exercice illégal de la pharmacie».

Les deux prévenus, également condamnés à verser d'importantes indemnités, ont immédiatement décidé de faire appel de cette décision du tribunal correctionnel. «Il faut accorder à des personnes qu'on peut qualifier de lanceurs d'alerte la protection à laquelle elles ont droit. C'est ce que nous dirons devant la cour d'appel», a dit à l'AFP Me Catherine Faivre, l'une des avocates de la défense.

«J'ai mis le doigt sur une anomalie, ça dérange», a commenté Viviane Schaller, 66 ans, reconnue coupable d'avoir, dans son laboratoire d'analyses biologiques, appliqué pendant des années un protocole de dépistage de la maladie non homologué par les autorités sanitaires - car les protocoles officiels sont selon elle inadaptés et ne permettent de détecter qu'une très faible proportion des cas.

Elle devra rembourser 280.820 euros à la caisse primaire d'assurance maladie, somme correspondant aux remboursements par la «Sécu» des tests incriminés.

«Dans cette histoire, le sort des malades, on s'en fiche, et ça c'est scandaleux!», a ajouté cette diplômée en pharmacie, qui a annoncé à des milliers de patients, dans toute la France, qu'ils étaient porteurs de la maladie, alors que les tests «officiels» affirmaient le contraire.

Son co-prévenu, Bernard Christophe, 65 ans (également diplômé en pharmacie, mais non inscrit à l'ordre des pharmaciens), a été condamné pour avoir fabriqué et commercialisé hors du cadre réglementaire un remède à base d'huiles essentielles contre la maladie de Lyme, baptisé «Tic Tox». Il devra verser 10.000 euros de dommages et intérêts à l'ordre des pharmaciens.

«Tout ça, c'est pour favoriser l'industrie pharmaceutique qui continue à vendre des tonnes des médicaments pour soigner les centaines de symptômes induits par Lyme», a commenté M. Christophe.

- Les spécialistes divisés -

La borréliose de Lyme peut provoquer des troubles invalidants et douloureux, notamment neurologiques, articulaires et musculaires. Or, faute de diagnostic, «des milliers de malades vivent un enfer, car ils sont bafoués, confrontés à un déni, à une omerta», soutient Judith Albertat, présidente de l'association «Lyme sans frontières», qui se bat pour une nouvelle approche de la maladie. «Les gens sont ballottés de médecin en médecin pendant des années. D'où un coût phénoménal pour la sécurité sociale», a-t-elle ajouté.

Lors d'un premier procès, en septembre 2012, deux spécialistes du Centre national de référence de la maladie de Lyme, les Pr Benoît Jaulhac et Daniel Christmann, étaient venus à la barre soutenir la validité des protocoles officiels.

Cependant lors d'une deuxième procès, organisé le 23 septembre dernier à la suite d'un supplément d'information, plusieurs médecins étaient venus soutenir la thèse inverse.

«Il y a en France une sous-estimation dramatique de cette maladie», avait ainsi soutenu devant le tribunal le Pr Christian Perronne, spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) et membre du Haut conseil de la santé publique. Les tests de détection «ont été calibrés il y a 30 ans de manière à ce que cette affection soit rare (...) et on n'est jamais revenu sur ce dogme», avait-il déploré.

Pour Mme Albertat, «le seul moyen de sortir de cette mascarade, c'est de développer la recherche» sur les tests. L'association qu'elle préside espère ainsi réunir 520.000 euros par financement participatif, afin de lancer une telle étude. «Les grands laboratoires ne le financent pas, et l'Etat pas d'avantage», a-t-elle déploré.

Selon la journaliste Chantal Perrin, qui a enquêté pendant deux ans sur ce dossier, et en a tiré un documentaire diffusé en mai sur France 5, la France est le pays «où le déni de la maladie de Lyme est le plus marqué, à part le cas de la Norvège, encore plus dramatique».

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