Retrouvé dans un trou d'obus, un Poilu inhumé au pied d'une HLM
•De Léon Senet, il ne restait qu'un nom gravé sur un monument ...© 2014 AFP
De Léon Senet, il ne restait qu'un nom gravé sur un monument aux morts. Après la découverte de son corps sur le chantier de l'«Anneau de la Mémoire», inauguré mardi par François Hollande, il a enfin pu recevoir une sépulture, comme un autre Poilu rendu à sa famille début novembre.
Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), jeudi 6 novembre. Sur le parvis de la gare RER qui déverse ses voyageurs en cette fin de journée se déroule une cérémonie inhabituelle: un hommage solennel est rendu au Sergent Léon Senet par un parterre de personnalités civiles et militaires, d'anciens combattants et de collégiens.
Quand une marche funèbre, jouée par la fanfare militaire, retentit pour accompagner l'entrée du cercueil, recouvert du drapeau tricolore et placé devant le monument aux morts, l'émotion est palpable et plus encore quand la petite-nièce du soldat, fauché à 31 ans près d'Arras, s'adresse à lui.
«Tu as fait irruption dans ma vie par voie de presse et je te dis adieu sans t'avoir dit autre chose», déclare Nicole Senet, 74 ans, qui a découvert l'existence de ce grand-oncle quand la mairie a lancé un appel à ses éventuels descendants à se faire connaître.
Né en 1884 dans un milieu populaire, marié et apparemment sans enfant, Léon Senet vivait à Rosny avant d'être mobilisé en août 1914 au sein du 282e régime d'infanterie.
Le 23 mai 1915, deux semaines après le déclenchement de la bataille de l'Artois, il est tué dans la bataille terrible pour la prise du plateau de Notre-Dame-de-Lorette et, avec deux de ses compagnons d'infortune, sommairement enterré dans un trou d'obus.
- Récupérer les corps -
C'est sur ce site, lors des travaux de construction du futur «Anneau de la Mémoire» qui rend hommage aux 580.000 soldats tombés dans la région, que le corps de Léon Senet a été découvert en juin avec quelques effets personnels (un miroir, des boutons, des ciseaux) et identifié grâce à sa plaque militaire.
Bien que le département du Pas-de-Calais ait réclamé que le sergent y soit enterré, 99 ans après sa mort, pour le symbole, le maire UMP de Rosny Claude Capillon, lui-même fils de Poilu, a obtenu son rapatriement, faisant valoir que son nom figurait déjà sur le monument aux morts de la petite ville au nord-est de Paris.
C'est un conflit ancien, explique à l'AFP l'historienne Annette Becker. «Entre 1914 et 1918 il a été décidé qu'on enterrait les soldats le plus près possible de l'endroit où ils étaient tombés et des cimetières militaires ont été créés sur les champs de bataille. Mais après la guerre, les familles, relayées par les députés qui eux-mêmes avaient parfois perdu un fils, ont voulu récupérer les corps, disant: +on a déjà donné nos fils à la France, on veut pouvoir les pleurer dans nos cimetières paroissiaux+».
En 1920, une loi est finalement votée qui permet le rapatriement des corps, l'Etat prenant en charge le transport. Mais la somme allouée est modeste et «sont restés dans les cimetières militaires les pauvres et les coloniaux», explique-t-elle.
En France, encore 150.000 soldats de la Grande Guerre sont portés disparus. Selon l'Office national des anciens combattants, les restes de 31 soldats ont été découverts en 2014 sur d'anciens champs de bataille (après 58 en 2013), dont cinq ont été identifiés et deux restitués à leur famille: outre Léon Senet, il s'agit de Fernand Terras, inhumé le 1er novembre à Saint-Laurent-du-Pape, en Ardèche.
«Une des horreurs de cette guerre a été que tant de corps n'ont pas pu avoir de sépulture parce qu'un obus, comme disait Fernand Léger, +ça te divise un bonhomme en plusieurs morceaux et te l'envoie aux quatre coins cardinaux+», souligne Annette Becker.