Lydie Salvayre, lauréate surprise du Goncourt devant Daoud et Foenkinos

Lydie Salvayre, lauréate surprise du Goncourt devant Daoud et Foenkinos

Lydie Salvayre a été sacrée mercredi par le Goncourt, le plus convoité des prix littéraires français, pour "Pas pleurer", roman sur la guerre d'Espagne, coiffant au poteau les deux favoris, l'Algérien Kamel Daoud et le Français David Foenkinos.
L'écrivaine française Lydie Salvayre, le 5 novembre 2014 à Paris
L'écrivaine française Lydie Salvayre, le 5 novembre 2014 à Paris - Eric Feferberg AFP
© 2014 AFP

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Lydie Salvayre a été sacrée mercredi par le Goncourt, le plus convoité des prix littéraires français, pour «Pas pleurer», roman sur la guerre d'Espagne, coiffant au poteau les deux favoris, l'Algérien Kamel Daoud et le Français David Foenkinos.



Privé de Goncourt, David Foenkinos, 40 ans, a été récompensé par un autre prix prestigieux, le Renaudot, décerné dans la foulée et qui évoque une autre guerre.

«Pas pleurer» (Seuil) a été choisi par les jurés au 5e tour, par 6 voix contre 4 au roman de Kamel Daoud, «Meursault contre-enquête». Avec ce prix, Le Seuil réussit un beau doublé après le Médicis mardi à Antoine Volodine.

Daoud, qui aurait été le premier Algérien à décrocher le Goncourt, s'est montré un peu amer: «Le jury a raté une occasion historique de s'ouvrir vers le reste du monde car dans le Maghreb, ce prix était très attendu et déjà perçu comme un message très lourd de sens», a-t-il déclaré à l'AFP.

Lydie Salvayre avait, elle, les larmes aux yeux. Mais des larmes de joie: «Je suis très heureuse, je suis très émue», a-t-elle dit en se frayant un passage dans la foule de journalistes qui se pressaient chez Drouant.

Son roman est hanté par la figure de Georges Bernanos et la voix de sa propre mère qui lui narre, au soir de sa vie, l’insurrection libertaire de 1936 en Espagne.

Montse, qui ne se souvient plus de rien si ce n'est de ces jours radieux de l'été 36, raconte à sa fille dans un savoureux mélange de français et d'espagnol la misère d'une enfance catalane et comment les idées nouvelles ont agité l'Espagne rurale de cette époque.

Le Premier ministre Manuel Valls, originaire de Catalogne, a aussitôt salué sur Twitter la lauréate. «Avec cette vivacité du style, Lydie Salvayre a dit l'Histoire, la sienne et celle de tant d'autres. Bravo!»

«Nous avons d’abord couronné un roman d’une grande qualité littéraire, à l’écriture très originale, même si je regrette qu’il y ait parfois trop d'espagnol», non traduit, a souligné Bernard Pivot, président de l’Académie Goncourt.

Lydie Salvayre est née en 1948 de parents républicains espagnols exilés dans le sud de la France pour fuir le franquisme. Elle a passé son enfance près de Toulouse et appris le français seulement à l'école primaire.

Après des études de lettres puis de médecine et avoir exercé comme psychiatre, Lydie Salvayre publie son premier roman, «La Déclaration», en 1990. Viendront ensuite notamment «La médaille» en 1993, «La Compagnie des spectres» en 1997, élu meilleur livre de l'année par le magazine Lire et prix Novembre (aujourd'hui prix Décembre), «BW» en 2008, ou «Sept femmes» en 2013.

Son œuvre est traduite dans une vingtaine de langues.

- Cri d'amour -

David Foenkinos a raflé le Renaudot pour «Charlotte» (Gallimard), cri d'amour pour Charlotte Salomon, jeune artiste juive allemande assassinée à Auschwitz à 26 ans.

L'écrivain fait revivre avec passion le destin tragique de cette jeune femme dans ce long poème de 220 pages en vers libres, élu en septembre «Livre préféré des libraires». «Charlotte» s'est déjà écoulé à 180.000 exemplaires. Il est réimprimé à 100.000, précise Gallimard, déjà éditeur du Nobel Patrick Modiano.

L'auteur au visage juvénile orné d'une barbichette noire est connu pour ses romans populaires dont le best-seller «La Délicatesse», porté avec succès à l'écran.

«C'est absolument magique. Charlotte Salomon va être découverte par beaucoup de gens avec ce prix prestigieux qui va lui donner un éclairage formidable. C'est donc aussi un prix pour elle et sa mémoire. Je suis très heureux, je pensais que ce livre ne se ferait jamais», a-t-il expliqué à l'AFP.

La ministre de la Culture Fleur Pellerin s'est réjouie de voir avec Lydie Salvayre «ainsi mis à l'honneur l'histoire de nos deux pays et le dialogue fructueux de nos langues» et a salué en David Foenkinos «une voix chère au coeur des Français».

Célèbre dans le monde entier, le Goncourt reste la consécration suprême pour un auteur mais aussi un jackpot, avec en moyenne 400.000 ventes à la clé et des traductions en hausse.

Ainsi, le Goncourt 2013, «Au revoir là-haut», de Pierre Lemaitre, tiré initialement à 30.000 exemplaires, s'est écoulé à ce jour à 620.000 (Canada compris), après 21 réimpressions. Il est traduit en 30 langues.

La dernière femme lauréate du Goncourt a été Marie NDiaye, en 2009. Le Renaudot 2013 avait été attribué à Yann Moix.