Foenkinos ou Daoud ? verdict à la mi-journée pour le Goncourt
•Jour J pour le Goncourt, le plus connu des prix littéraires ...© 2014 AFP
Jour J pour le Goncourt, le plus connu des prix littéraires français et le plus convoité : jamais le suspense n'a été aussi intense pour départager les quatre prétendants, dont l'Algérien Kamel Daoud et le populaire David Foenkinos. Verdict à la mi-journée.
Si Kamel Daoud était couronné pour «Meursault, contre-enquête» (Actes Sud), ce serait le premier Algérien à décrocher ce Graal: un Goncourt historique.
«Journée belle mais lourde à porter. J'aurais voulu offrir de la joie aux miens, aux gens, aux lecteurs. Tous. Rentrer au pays avec une belle image de soi», écrit mercredi Kamel Daoud sur sa page Facebook.
«Faire entendre encore plus nos voix. Merci donc à tous, vraiment (...), Je suis allé aussi loin que possible cette fois. Et je continuerai. Mais pour ce prix, cela ne dépend pas de moi !».
Le sacre du chroniqueur du Quotidien d'Oran interviendrait 60 ans après le début de la guerre d'Algérie, le 1er novembre 1954, alors que les relations franco-algériennes restent hypersensibles.
«Ce serait un message fort adressé aux francophones qui ont réussi à autonomiser la langue française», relève encore l'auteur.
Daoud donne dans son livre la parole au frère de «l'Arabe» anonyme, tué par Meursault dans «L'Etranger» d'Albert Camus (1942), Français né en Algérie en 1913 et Nobel de littérature en 1957.
Dans la foulée du Goncourt, sera décerné le Renaudot qui compte cinq finalistes, dont la mégastar belge Amélie Nothomb. Elle est en lice avec son 23e roman, «Pétronille» (Albin Michel), fresque picaresque dont les héros sont le champagne, la France et l'amitié.
Depuis 1914, c'est au restaurant Drouant, au coeur de Paris, que sont annoncés les lauréats des deux prix, dans l'effervescence médiatique.
Célèbre dans le monde entier, le Goncourt reste la consécration suprême pour un auteur mais aussi un jackpot, avec en moyenne 400.000 ventes à la clé pour le roman primé et des traductions en hausse.
Ainsi, le Goncourt 2013, «Au revoir là-haut» de Pierre Lemaitre, tiré initialement à 30.000 exemplaires, s'est écoulé à ce jour à 620.000 (Canada compris), après 21 réimpressions. Il est traduit en 30 langues. «Le Goncourt a bouleversé ma vie», reconnaît l'écrivain.
-La Shoah et le fantôme de Camus-
Si le jury dit être encore incertain, deux favoris se détachent: David Foenkinos et Kamel Daoud, auteur à 44 ans de ce premier roman virtuose, qualifié de «réussite exceptionnelle» et de «grand livre».
«Meursault, contre-enquête» est une méditation sur l'identité algérienne au travers du récit du frère de «l'Arabe» de Camus, désireux de redonner un destin à ce mort anonyme. Avec, en contrepoint, l'histoire récente de l'Algérie, associée à une critique féroce de sa politique actuelle et du conservatisme religieux, «le mal du monde arabe», dit Kamel Daoud.
Si le jury sacrait ce roman exigeant, paru d'abord en Algérie - ce qui serait une autre première -, il jouerait la carte de la révélation d'un écrivain.
Son éditeur, Actes Sud, a déjà remporté en 2012 le Goncourt avec Jérôme Ferrari. Près de 40.000 exemplaires de «Meursault, contre-enquête» ont été imprimés à ce jour.
Dans un registre différent, David Foenkinos est en lice pour le Goncourt et le Renaudot. Dans «Charlotte» (Gallimard), l'auteur de «La Délicatesse», best-seller porté à l'écran, rend un vibrant hommage à la jeune artiste Charlotte Salomon, assassinée à Auschwitz en 1943, dans un long chant narratif en vers libres.
Si l'auteur de 40 ans à l'allure juvénile décrochait le Goncourt, Gallimard ferait coup double, après le Nobel de Patrick Modiano. «Charlotte», déjà tiré à 160.000, garantirait un «très bon Goncourt» en termes de ventes.
Les Goncourt pourraient aussi choisir de sacrer une femme : Lydie Salvayre, avec «Pas pleurer» (Seuil), roman sur la guerre civile d'Espagne. Elle y entrelace la voix de l'écrivain Georges Bernanos et celle de sa mère, réfugiée espagnole, le français et l'espagnol, mêlés dans une langue hybride, le «fragnol».
Quant à Pauline Dreyfus, elle raconte dans «Ce sont des choses qui arrivent» (Grasset), la Seconde guerre mondiale, du côté des aristocrates avec en filigrane la persécution des Juifs.
La dernière lauréate du Goncourt a été Marie NDiaye en 2009.