Le Médicis à Antoine Volodine, sacre d'une oeuvre de 30 ans

Le Médicis à Antoine Volodine, sacre d'une oeuvre de 30 ans

Antoine Volodine, peintre de la noirceur du monde, était radieux ...
© 2014 AFP

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Antoine Volodine, peintre de la noirceur du monde, était radieux mardi en recevant le prix Médicis, sacre de 30 années d'écriture, une consécration pour cet auteur majeur dont l'oeuvre pourrait toucher un plus large public grâce à cette récompense.



Le roman couronné, «Terminus radieux» (Seuil), est une fresque post-apocalyptique, sauvage et noire, qui prend place dans une Sibérie dévastée par les explosions nucléaires où les hommes, devenus des mutants, ne savent plus s'ils sont morts ou vivants.

L'Australienne Lily Brett, 67 ans, a quant à elle obtenu le Médicis étranger pour «Lola Bensky» (Grande Ourse), un roman très autobiographique sur une fille de rescapés de la Shoah qui a aussi partagé l'ascension des stars du rock des années 1960 et 1970 en Angleterre et aux Etats-Unis.

Peu après la proclamation de son prix, salué par un tonnerre d'applaudissements, Antoine Volodine s'est dit «très heureux».

«Il est très important pour moi. C'est l'aboutissement de 30 ans d'écriture, une sorte de couronnement», a déclaré à l'AFP l'écrivain.

Un peu plus tôt, le sexagénaire volontiers bourru avait répondu avec agacement «vous devriez lire le livre» à un journaliste qui lui demandait de résumer son roman... de quelque 600 pages.

-'Grand écrivain'-

«Par le passé, le Médicis a raté maintes fois l'occasion de récompenser Antoine Volodine», a reconnu Anne Garréta, présidente du jury depuis deux ans. «Cela a pris du temps, mais nous couronnons aujourd'hui une oeuvre et un grand écrivain.»

Tiré jusqu'à présent à 10.000 exemplaires, «Terminus radieux» va être réimprimé à 40.000 ainsi que les précédentes oeuvres de Volodine en poche, a précisé Le Seuil à l'AFP.

Antoine Volodine, principal pseudonyme du romancier né en 1950, qui signe également Elli Kronauer, Manuela Draeger ou Luitz Bassmann, est l'auteur d'une vingtaine de romans sous le nom de Volodine, dont «Des anges mineurs», prix du Livre Inter en 2000.

«Nous récompensons un livre extrêmement abouti du point de vue de la langue et de l'invention, une histoire sombre et post-apocalyptique qui tient en haleine sur 600 pages, marque d'un très grand écrivain», a ajouté la présidente du jury.

La ministre de la Culture Fleur Pellerin s'est réjouit de «cette distinction qui permet à l'œuvre de ce grand romancier d'aller à la rencontre d'un large public».

Dans les territoires irradiés, après la «Deuxième Union soviétique», de rares survivants de l'utopie socialiste sont les héros déchus de «Terminus radieux», récit halluciné au style puissant. Dans ce monde retourné à la sauvagerie où rodent des loups affamés, les sentiments, brûlés au feu nucléaire, n'ont plus cours et c'est la violence qui domine.

- Génies du rock -

La lauréate du Médicis étranger Lily Bret voit consacrer son premier roman traduit en français.

«L'écriture de ce livre m'a pris beaucoup de temps parce que cela a été difficile d'affronter cette période de ma vie», a-t-elle déclaré.

«Je suis à la fois abasourdie, enthousiaste et fière de recevoir le Médicis. Mon premier souvenir de Paris remonte à 1948, lorsqu'avec mes parents, tous deux survivants de la Shoah, nous avons été emmenés à l’hôtel Lutetia, avant de partir pour l’Australie. Nous démarrions ici une nouvelle vie. Paris restera pour moi à jamais le symbole de la liberté retrouvée», a dit avec émotion la sexagénaire au visage lumineux.

Le livre raconte l’histoire captivante d’une jeune journaliste de rock, Lola, un peu naïve. Quand elle n’interviewe pas Mick Jagger ou Jimi Hendrix, elle pense au prochain régime qu’elle va suivre. Sur une note beaucoup plus grave, «Lola Bensky» parle aussi du destin d'une femme, fille de rescapés de la Shoah, qui se bat contre ses fantômes avec humour, tendresse et générosité.

L'héroïne est nourrie des souvenirs de Lily Brett. Pour écrire ce livre, elle s'est plongée dans les photos de ses années rock. Vers 30 ans, la romancière avait commencé à lire des témoignages sur la Shoah. C'est alors qu'elle a cessé d'écrire sur le rock.

Le Médicis de l'essai est allé à Frédéric Pajak pour «Manifeste incertain 3» (Noir sur Blanc), 3e volume d'une série commencée en 2012. On y retrouve Walter Benjamin pendant la Seconde guerre mondiale.

Cet article est réalisé par Journal du Net et hébergé par 20 Minutes.