Politique: les couacs du gouvernement, saison II
Manuel Valls avait réclamé à sa nomination un "logiciel anti-couacs". Six mois plus tard, son gouvernement a renoue avec cette impression de cacophonie sur des dossiers aussi divers que les autoroutes ou l'assurance chômage.© 2014 AFP
Manuel Valls avait réclamé à sa nomination un «logiciel anti-couacs». Six mois plus tard, son gouvernement a renoue avec cette impression de cacophonie sur des dossiers aussi divers que les autoroutes ou l'assurance chômage.
C'était le 10 avril, huit jours après sa nomination rue de Varenne. L'ambiance n'était pas précisément à l'euphorie après la déroute des élections municipales, mais une certaine décontraction était de mise.
«Je vais demander à Thales de me construire un logiciel qui pourra être exporté partout dans le monde, le logiciel anti-couac (...) Et croyez-moi, il va se vendre», lançait Manuel Valls au cours d'une visite d'un site du groupe industriel à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), sous les regards amusés de certains de ses ministres.
Six mois plus tard, la plaisanterie a cessé. Manuel Valls, promu par François Hollande pour «faire du Valls» et tenir la parole de ses troupes, n'a pu éviter la multiplication des fausses notes.
Issu du jargon musical («note fausse et discordante produite par un instrument de musique ou par la voix», selon le Littré), le mot couac est utilisé à tous les vents. Il recouvre en fait des réalités différentes: une politique mise en échec (censure par le Conseil constitutionnel de l'allègement des cotisations salariales, ou de la taxe carbone en 2010), un franc désaccord au sein de l'exécutif (démissions de J.J. Servan-Schreiber en 1974, d'Alain Madelin en 1995) ou bien de simples dissonances dans l'expression gouvernementale, plus anecdotiques mais toujours embarrassantes.
Pour M. Valls, la série a débuté dès la formation de son équipe, Laurent Fabius et Arnaud Montebourg se disputant le portefeuille du Commerce extérieur.... avant de frôler la crise politique avec la démission fracassante du gouvernement et le départ d'Arnaud Montebourg, jugé coupable de provocation, suivi de Benoît Hamon et Aurélie Filippetti... et elle s'est poursuivie avec le feuilleton Thomas Thévenoud, promu secrétaire d’État puis limogé après la découverte de ses déboires fiscaux.
- 'Spontanéité créative' -
Remplaçant d'Arnaud Montebourg, le nouveau ministre de l’Économie Emmanuel Macron a lui aussi connu quelques contrariétés, ayant dû s'excuser d'avoir évoqué des salariés de l'abattoir Gad dont «beaucoup sont illettrées». Ce premier épisode a certainement contribué à l'emballement médiatique autour de ses déclaration au Journal du Dimanche sur l'absence de «tabous» concernant l'assurance-chômage.
Ministre du Travail, François Rebsamen a également apporté sa fausse note à la symphonie gouvernementale avec une déclaration très mal perçue sur le renforcement du contrôle des chômeurs, puis en obtenant le retrait d'une interview au magazine bourguignon Le Miroir dans laquelle il affichait sa «vision libérale de l'économie».
Les deux dernières semaines ont été animées. Manuel Valls, qui lutte contre les couacs au sein de son équipe, en a créé un lui-même avec François Hollande en jetant dans la mare le pavé d'une possible réforme de l'indemnisation du chômage. Simple dissonance au sein du couple exécutif ? Plutôt une posture sciemment adoptée par le Premier ministre, qui entend «incarner la réforme, quitte à ce que ça dérange ou ça bouscule» selon son entourage.
La fausse note la plus bruyante fut l’œuvre de Ségolène Royal. En suggérant une gratuité des autoroutes le week-end, la ministre de l’Écologie, vite recadrée par son Premier ministre, s'est attirée les foudres de l'opposition mais aussi les sarcasmes de sa propre majorité, son ancienne protégée Delphine Batho dénonçant sa «légèreté» et son ancien secrétaire d’État Frédéric Cuvillier louant, sourires aux lèvres, sa «spontanéité créative».
Coïncidence, Jean-Marc Ayrault est sorti de sa réserve médiatique cette semaine. «Coordonner l'action gouvernementale, Manuel Valls le vit tous les jours, est un exercice très difficile qu'il faut recommencer sans cesse. Après, il y a la discipline de chacun. Ça dépend aussi des personnalités», a-t-il commenté. Fin 2013, après des couacs à répétition (Leonarda, réforme fiscale, rapport sur l'intégration), son gouvernement accusait déjà 36 couacs, selon la comptabilité féroce tenue par le fervent soutien de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux.