Disparues de Perpignan: les soubresauts d'une enquête sans fin
La mise en examen d'un quinquagénaire qualifié de "prédateur sexuel" par la partie civile relance l'enquête laborieuse sur "les disparues de Perpignan", qui va de rebondissements en fausses pistes depuis près de 20 ans.© 2014 AFP
La mise en examen d'un quinquagénaire qualifié de «prédateur sexuel» par la partie civile relance l'enquête laborieuse sur «les disparues de Perpignan», qui va de rebondissements en fausses pistes depuis près de 20 ans.
«Rien n'est encore résolu»: Me Etienne Nicolau, l'avocat des «disparues de la gare de Perpignan» s'est gardé de crier victoire après la mise en examen jeudi de Jacques Rançon, au «profil apparent de prédateur», dit-il.
Le cariste-magasinier de 54 ans a été confondu par son ADN que les progrès de la science ont récemment permis de retrouver sur le corps de sa victime, Mokhtaria Chaïb. Il vient d'avouer l'avoir violée et tuée en décembre 1997.
Déjà condamné à huit ans de prison à Amiens en 1994 pour viol, le chômeur vivait dans un foyer de travailleurs d'un quartier populaire de Perpignan, où des ados désœuvrés tuent le temps à faire des «roues-avant» en scooter entre les barres de HLM.
Les rares personnes qui parlent à la presse disent ne pas l'avoir connu.
Son profil Facebook montre des photos de lui en père de famille bedonnant et souriant, deux enfants de quatre et sept ans sur ses genoux. Il les a eus avec la femme qui partagea sa vie pendant sept ans, avant qu'elle le fasse condamner à un an de prison en 2013 pour menaces de mort.
«Quand je me suis séparée, il a voulu me planter avec un couteau», raconte Marie à la presse. «Il s'en allait la nuit. Il me disait qu'il faisait le tour du côté de la gare».
C'est proche de cette même gare que la victime de Jacques Rançon, une étudiante en sociologie, avait disparu. Son corps avait été retrouvé nu, poignardé à de multiples reprises, les seins et l'appareil génital découpés.
- Le «faux chirurgien péruvien» -
Cette barbarie avait plongé la ville dans l'émoi et la précision quasi chirurgicale de la mutilation avait fait penser à l’œuvre d'un médecin ou d'un boucher.
Ce n'était que la première fausse piste d'une enquête chaotique: peu après, en janvier 1998, Andres Palomino Barrios était arrêté. Surnommé «le faux chirurgien péruvien», il avait pratiqué la médecine sans diplôme dans 18 hôpitaux. Après six mois d'incarcération, il a été innocenté.
Pendant qu'il était derrière les barreaux, un autre meurtre secoue la ville: le 26 juin 1998, le corps de Marie-Hélène Gonzales, 22 ans, est découvert nu, décapité et amputé de ses mains et de ses parties génitales.
Suivant toujours la piste du tueur en série, les enquêteurs pensent avoir trouvé le coupable quand est interpellé à Lyon, le 25 mai 2000, l'Espagnol Esteban Reig pour le meurtre d'un homme égorgé, décapité et amputé des parties génitales qui ont été suspendues au-dessus de son frigo.
L'Espagnol se trouvait à Perpignan en 1997 mais il n'avouera jamais le meurtre d'une «disparue» et se suicidera en prison en 2002.
Entre-temps, en février 2001, une autre jeune femme, Fatima Idrahou, est retrouvée morte et violée. Un gérant de bar, Marc Delpech, est condamné le 18 juin 2004 à 30 ans de réclusion mais pour ce seul meurtre, sans qu'aucun lien ne puisse être établi avec les autres «disparues»: Mokhtaria Chaïb, Marie-Hélène Gonzales mais aussi Tatiana Andujar, qui s'est évaporée dans le quartier de la gare en septembre 1995. Cette lycéenne de 17 ans n'a jamais été retrouvée.
Jacques Rançon est-il donc le fameux «tueur de la gare»?
«Il est trop tôt à mon avis pour se prononcer», a averti le procureur de la République, Achille Kiriakides.
En tout cas, la thèse du tueur en série semble une nouvelle fois voler en éclats car, selon des sources proches du dossier, Jacques Rançon n'aurait été libéré de prison qu'en septembre 1997, bien après la disparition de Tatiana Andujar.
Outre son ADN, un autre ADN masculin inconnu a de plus été découvert sur la scène de crime de Marie-Hélène Gonzales et un troisième sur celle de Mokhtaria Chaïb.
Près de vingt ans après la première disparition de Perpignan, «l'enquête continue», reconnaît Gilles Soulié, directeur de la SRPJ de Montpellier.