Budget: la suppression d'une tranche d'impôt votée, retour des tensions à gauche
L'Assemblée a voté jeudi la suppression de la première tranche ...© 2014 AFP
L'Assemblée a voté jeudi la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, mesure phare du projet de budget 2015, et divers allègements fiscaux pour le logement, mais les fractures dans la majorité sont réapparues à gauche, notamment autour du CICE.
La séance a été levée vers 1h00 du matin sans arriver au serpent de mer de l'assujettissement des œuvres d'art à l'Impôt sur la Fortune.
Après les deux premiers budgets du quinquennat Hollande et leurs hausses d'impôts pour contribuer à redresser les comptes publics, l'Assemblée a voté une mesure cruciale concoctée par l'exécutif pour tenter de redorer son blason auprès des Français et éviter un nouveau «ras-le-bol fiscal».
Annoncée par Manuel Valls, la suppression de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu au taux de 5,5%, couplée à une majoration de la «décote» (mécanisme de correction de l'impôt en cas de faibles ressources), doit bénéficier à 6,1 millions de foyers fiscaux pour un coût de 3,2 milliards d'euros.
«C'est assumé, juste et sûrement pas improvisé. Car ce budget pour 2015 est un budget de justice fiscale», selon le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert. La mesure, ajoutée à celle votée en juillet, va redonner du pouvoir d'achat aux contribuables moyens et modestes, ont martelé les socialistes.
Hormis le PRG, attaché au principe du paiement de l'impôt par un plus grand nombre de citoyens, la gauche a voté pour la réforme du bas de barème. Le Front de Gauche a cependant observé que «les ménages les plus pauvres, non imposables, n'en bénéficieront pas et qu'il aurait été plus juste d'augmenter les prestations sociales».
Hostiles, l'UMP et l'UDI ont affirmé que cela va reporter l'effort fiscal notamment sur les classes moyennes mais aussi réduire «le consentement à l'impôt» et accentuer l'«hémorragie fiscale» en faisant payer l'impôt sur le revenu par une partie de moins en moins grande de la population. Actuellement, seul un foyer sur deux l'acquitte.
Pour soutenir le secteur du logement, les députés ont adopté une série d'autres mesures. L'extension aux descendants ou ascendants d'un propriétaire du dispositif fiscal «Duflot», rebaptisé «Pinel», qui octroie des avantages fiscaux à ceux qui achètent un logement pour le louer, a divisé la gauche, et n'a pu être votée que grâce aux voix de droite.
Pour susciter un «choc de l'offre foncière», le projet de budget prévoit aussi une exonération au bout de 22 ans de détention, contre 30 ans auparavant, des plus-values de cession immobilières sur les terrains à bâtir.
La rapporteure générale du Budget Valérie Rabault (PS) a régulièrement épinglé les élus UMP pour leurs amendements qui «augmenteraient fortement les dépenses alors que vous nous reprochez de ne pas faire assez d'économies».
D'un coût estimé à 930 millions d'euros les deux prochaines années, la création d'un crédit d'impôt pour la transition énergétique, version réformée de l'actuel crédit d'impôt développement durable et traduction financière d'une mesure du projet de loi porté par Ségolène Royal, a été adoptée. Les écologistes ont échoué à la retoucher.
Mais c'est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi qui a fait resurgir les tensions à gauche, dans le sillage d'un amendement défendu par le socialiste Henri Emmanuelli, cosigné notamment par Benoit Hamon, soutenu par plusieurs frondeurs et par le Front de Gauche.
Craignant visiblement d'être mis en minorité dans l'hémicycle, le gouvernement a demandé la «réserve des votes» sur cet amendement visant à financer un soutien à l'investissement des entreprises par une modulation du CICE.
Ce procédé pour repousser le vote à plus tard, «inadmissible» aux yeux de plusieurs élus PS, a ensuite été utilisé une deuxième fois sur un autre amendement touchant au CICE et cosigné par une quarantaines de socialistes, dont Aurélie Filippetti.
Christian Eckert l'a aussi demandé sur des amendements écologistes visant à créer 50.000 nouveaux emplois aidés ou à durcir la législation contre l'optimisation fiscale des entreprises, comme sur des amendements Front de Gauche pour s'attaquer davantage à la déductibilité des intérêts d'emprunt ou à la niche fiscale Copé sur la taxation des plus-values de cession de titres.
L'UMP a vainement plaidé, par la voix notamment du filloniste Jérôme Chartier, pour baisser le taux de l'impôt sur les sociétés jusqu'à 25% et augmenter en compensation la TVA. «Les masques tombent (...) Voilà que le programme d'un des candidats à la primaire de l'UMP s'éclaircit», a raillé Christian Eckert.