Loi santé: le recours aux médecins remplaçants va être encadré

Loi santé: le recours aux médecins remplaçants va être encadré

L'hôpital a perdu de son aura et peine à recruter, notamment des anesthésistes. Pour pallier la pénurie de médecins, le projet de loi santé veut davantage encadrer l'intérim, laissant le problème de l'attractivité en suspens.
© 2014 AFP

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L'hôpital a perdu de son aura et peine à recruter, notamment des anesthésistes. Pour pallier la pénurie de médecins, le projet de loi santé veut davantage encadrer l'intérim, laissant le problème de l'attractivité en suspens.

Le cas récent de la petite maternité d'Orthez a révélé l'hémorragie de personnels dans les petites structures. En butte à des difficultés chroniques de recrutements d'obstétriciens, l'établissement aujourd'hui menacé de fermeture définitive, faisait appel à des praticiens remplaçants, dont l'anesthésiste belge mise en examen après le décès d'une de ses patientes fin septembre.

Mais c'est tout le secteur public qui est boudé par les professionnels de santé, qui se disent épuisés, avec des astreintes mal ou non rémunérées, des salaires inférieurs à ceux du privé, et qui lui préfèrent donc les cliniques ou l'intérim.

Pour les anesthésistes, plus d'un poste de médecin titulaire hospitalier sur quatre serait vacant, la situation devant s'aggraver avec le départ en retraite de plus de 1.600 praticiens d'ici à 2020, soulignait en septembre la Cour des comptes.

Radiologues, psychiatres, urgentistes ou pédiatres prennent aussi la poudre d'escampette et les établissements de santé sont aussi nombreux à signaler des difficultés de recrutement concernant les kinésithérapeutes, les infirmiers, les aides-soignantes.

Le recours à des contractuels non permanent dans des grands établissements pour couvrir «plus du dixième des besoins dans certaines spécialités médicales» est «révélateur des tensions qui pèsent sur l'hôpital», notait la Cour des comptes.

Et en décembre 2013, un rapport parlementaire levait l'omerta entourant le recours aux médecins «mercenaires», véritable fardeau financier pour l'hôpital avec des salaires de 600 à 800 euros net par jour en moyenne pour un médecin intérimaire, contre 206 pour un médecin titulaire.

Le projet de loi santé veut donc «endiguer les dérives de l’intérim médical» et prévoit de plafonner les rémunérations de ces médecins employés à titre temporaire. Les modalités seront fixées par voie règlementaire.

Afin de limiter le recours à l’intérim, un article introduit aussi la possibilité que des médecins hospitaliers volontaires effectuent des remplacements, au travers de la création d’une position de praticien remplaçant titulaire.

- Un lent déclin -

Pour Jacques Trevidic, secrétaire général de la confédération des praticiens hospitaliers, cela pourrait être «un mode d'entrée dans la carrière pour les jeunes praticiens: ça permettrait de les faire entrer à un niveau beaucoup plus élevé que le premier échelon, et cela permettrait aussi plus grande fluidité dans les postes et les carrières».

Comme lui, Rachel Bochet de l'INPH estime que «cela laisse la possibilité de modifier la grille (des salaires) des praticiens hospitaliers. Il faut que ce que l'on propose aux remplaçants soit au moins égal à ce qui est proposé aux titulaires. Mais cela ne règle en rien le problème du manque d'attractivité», commente-t-elle.

Yves Rebufat ne «croit pas» à l'encadrement des médecins «mercenaires» car «il y a une telle demande et l'offre est tellement pauvre que les directions seront prêtes à tout y compris à bidouiller les lignes de budget».

Ces mesures ne sont qu'une «solution temporaire». «Il faudrait mieux se demander pourquoi il n'y a plus personne à l'hôpital», analyse Philippe Soyer, secrétaire général des radiologues hospitaliers.

«Les choses se dégradées lentement à l'hôpital. On est aujourd'hui dans un cercle vicieux». Dans les hôpitaux parisiens, «les machines ont plus de 10 ans. La vétusté, c'est la chose à combattre, car c'est une perte de chance pour les patients, une chute de l'attractivité des hôpitaux et c'est une baisse de l'efficience», estime-t-il.

Les groupements hospitaliers de territoire, prévus dans la loi, vont «dégrader encore les conditions de travail» en amenant les médecins à travailler sur plusieurs hôpitaux, déplore par ailleurs le radiologue.

Pour le psychiatre Jean-Claude Penochet, la loi HPST de 2009 a été la «démolition finale» du système, la «destruction du travail collectif», avec des médecins «soumis à la volonté des chefs de pôle» et de l'administration.

Tout ce «train de contraintes et de difficultés collectives» qui détournent les praticiens de l'hôpital sera discuté lors d'une mission parlementaire que cinq intersyndicales de médecins hospitaliers viennent d'obtenir.

S'ensuivront des négociations sur fond de menace de grève massive.

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