Moines de Tibéhirine: l'exhumation a commencé près de 20 ans après le massacre
•L'exhumation des crânes des sept moines de Tibéhirine décapités en 1996 en Algérie a débuté mardi sous les yeux du juge français Marc Trévidic qui a enfin réussi à se rendre dans ce pays pour tenter d'élucider les circonstances du massacre.© 2014 AFP
L'exhumation des crânes des sept moines de Tibéhirine décapités en 1996 en Algérie a débuté mardi sous les yeux du juge français Marc Trévidic qui a enfin réussi à se rendre dans ce pays pour tenter d'élucider les circonstances du massacre.
Le célèbre magistrat antiterroriste était accompagné de sa collègue Nathalie Poux et d'experts sur le site du monastère Notre Dame de l'Atlas de Tibéhirine où les têtes des religieux ont été enterrées après avoir été découvertes séparées des corps, eux, jamais retrouvés.
Selon une source proche du dossier, un seul crâne a été en fait exhumé mardi en fin de journée puis examiné par les experts. Ces derniers sont «chargés d'effectuer des prélèvements ADN et des examens radiologiques», a précisé l'agence APS.
Les opérations conduites sous la supervision d'un magistrat algérien doivent reprendre mercredi, selon APS.
Ce juge algérien en charge du dossier doit se rendre à son tour en France durant la dernière semaine d'octobre, où il a obtenu l'autorisation d'auditionner deux membres des services secrets français, selon la presse algérienne.
Outre la présence d'impacts de balles, les analyses des têtes visent notamment à établir si la décapitation a été menée avant ou après la mort. S'il est peu probable qu'elles apportent une réponse définitive, elles pourraient permettre d'écarter certains témoignages et d'en accréditer d'autres.
Les deux magistrats français avaient demandé à se rendre en Algérie il y a près de trois ans dans une commission rogatoire internationale, déclenchant de longues tractations entre Paris et Alger.
Les deux reports successifs après l'accord de principe donné par l'Algérie en novembre 2013, ont ensuite suscité l'agacement du juge Trévidic.
Les magistrats français avaient par ailleurs demandé à entendre une vingtaine de témoins, dont des ravisseurs présumés, mais n'ont pas obtenu gain de cause sur ce point.
- 'Satisfaction' de l'avocat des victimes -
Les moines Christian de Cherge, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère où ils avaient choisi de demeurer malgré les risques liés à la guerre civile ravageant le pays.
Les islamistes qui souhaitaient renverser le régime avaient fait des étrangers un enjeu crucial de cette guerre. Fin 1993, ils leur avaient donné un mois pour quitter le pays sous peine de mort, estimant qu'un éventuel maintien était un «soutien» au régime en place. Diplomates, hommes d'affaires et touristes désertèrent alors massivement l'Algérie.
Le Groupe Islamique Armé (GIA), commanditaire des attentats de 1995 à Paris, revendiquera l'exécution des moines après une tentative de négociation avortée avec la France. «Vous avez rompu le fil du dialogue, nous avons tranché les gorges des moines», concluait un communiqué de l'organisation responsable de massacres de masse. Au total, 19 religieux chrétiens furent assassinés durant la guerre civile.
Mais des témoignages de militaires et policiers algériens ayant fait défection ont remis en cause cette thèse, mettant en avant une manipulation des services en vue de retourner une opinion internationale condescendante avec les islamistes.
Assassiné en 1996, l'ancien évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, «avait la conviction profonde que les services algériens étaient mêlés à l'enlèvement des moines», avait rapporté l'ancien attaché militaire de l'ambassade de France à Alger le général Buchwalter.
Le 25 juin 2009, ce haut gradé avançait devant le juge Trévidic l'hypothèse d'une bavure de l'armée algérienne, grâce au témoignage indirect d'un militaire algérien.
Le général expliquait que «les hélicoptères (de l'armée) ont vu un bivouac». «Comme cette zone était vidée, ça ne pouvait être qu'un groupe armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac (...) Une fois posés, ils ont découvert qu'ils avaient tiré notamment sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles». C'est pour dissimuler cette bavure que les corps auraient été décapités.
Avant le voyage de Trévidic et de son équipe en Algérie, l'avocat des proches des moines, Me Patrick Baudouin, a exprimé leur «satisfaction de voir» les deux magistrats «se rendre enfin en Algérie».
«On espère que ce déplacement se déroulera dans de bonnes conditions et permettra d'obtenir des résultats tangibles», a poursuivi l'avocat.