A Clichy-sous-Bois, une maison de santé pour mieux soigner en banlieue
Pour mieux prendre en charge les patients et lutter contre la ...© 2014 AFP
Pour mieux prendre en charge les patients et lutter contre la désertification médicale, une maison de santé regroupant une vingtaine de praticiens a été inaugurée lundi à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ville symbole des banlieues déshéritées.
«Avant quand j'avais mal au pied, je mettais une pommade et ça finissait par partir, longtemps après, mais ça partait», explique Jérémy Malonga. La maison de santé a «ramené chez le médecin» cet étudiant de 21 ans à l'allure sportive.
«On sait qu'à Clichy-sous-Bois, probablement plus qu'ailleurs, l'accès aux soins est une priorité. Là ça devenait extrêmement difficile avec des médecins qui prenaient leur retraite et qui n'étaient pas remplacés», explique le maire socialiste Olivier Klein.
Avant son ouverture à la rentrée, les 30.000 habitants de la ville ne disposaient plus que de 16 généralistes, un radiologue et un gynécologue. Sept médecins de moins qu'il y a cinq ans: le phénomène de désertification touche particulièrement cette commune qui pâtit de son image de «banlieue difficile».
Le manque de professionnels de la santé est d'autant plus douloureux que la pauvreté et la précarité favorisent certaines pathologies moins répandues ailleurs, comme la tuberculose. Le diabète est deux fois supérieur à la moyenne nationale et on y meurt plus que dans le reste de la France du cancer et des maladies cardiovasculaires.
Monique Sauzaire, 69 ans dont 60 passés à Clichy, vient désormais tous les jours à la maison de santé recevoir une piqûre pour soigner sa sciatique. «Avant j'étais bien embêtée. Je devais aller au dispensaire de l'hôpital de Livry-Gargan. Là c'est bien pratique, et puis c'est beau.»
«Tout est bien organisé», note de son côté Kader Kharbouchi, un ambulancier de 38 ans, qui fait la comparaison avec «des salles d'attente chez le généraliste avec 3 à 4 heures d'attente».
- «Moins de déperdition médicale» -
Dans le hall de cette demeure bourgeoise de 700m2 déjà surnommée «le château» par les Clichois, trois secrétaires médicales gèrent la prise de rendez-vous. Un vrai avantage pour Virginie Font, orthophoniste: «Secrétariat, ménage, logiciel de gestion, ici j'ai pu avoir accès à des services auxquels je n'aurais pas pu prétendre sinon».
A 42 ans, elle a choisi la maison de santé pour ouvrir son premier cabinet. «Je ne voulais pas être toute seule dans mon coin», fait-elle valoir, alors que «là, si j'ai un doute sur un patient, je peux aller en discuter avec un de mes collègues».
Pour Asma Sihem, née à Clichy il y a 26 ans et qui s'est installée comme sage femme après avoir exercé à l'hôpital intercommunal, «il y a moins de déperdition médicale». «Si je vois qu'une de mes patientes à une éruption cutanée pendant sa grossesse, je peux l'orienter vers le dermatologue qui est à l'étage au dessus, c'est rassurant pour le patient d'avoir des spécialistes tout proches.»
«C'est une autre façon de travailler», abonde Annick Houngbo, généraliste qui a toujours exercé en individuel. Elle a été l'une des premières à s'inscrire sur ce projet, lancé il y cinq ans lors du mandat du précédent maire Claude Dilain (PS).
Le Dr Houngbo travaille à Clichy-sous-Bois depuis 1982. «J'avais regardé la carte de la démographie médicale pour m'installer là où il y avait le moins de médecins. A l'époque, c'était déjà Clichy!», raconte t-elle. «Pourtant travailler ici c'est tout à fait possible, tout à fait confortable. Il y a un lien fort avec les patients, les gens sont souvent plus spontanés, ils se confient plus facilement, l'alliance thérapeutique est plus facile», détaille-t-elle.
Trois millions d'euros, dont un tiers apporté par l'Union européenne au titre de la correction des déséquilibres régionaux, ont été nécessaires pour monter la maison de santé qui attend toujours l'arrivée de ses deux dentistes.
Et pour Clichy-sous-Bois, restera un pédiatre à trouver: depuis que Claude Dilain, devenu sénateur, a fermé son cabinet en 2011, la ville, où 700 enfants naissent tous les ans, n'en a plus.