Réforme des professions réglementées: des pharmaciens affutent leurs arguments
"Erreurs", données "périmées", affirmations "inexactes": l'Ordre des pharmaciens démonte point par point un rapport sur lequel se base le gouvernement pour réformer la profession, assurant que son monopole est déjà entamé.© 2014 AFP
«Erreurs», données «périmées», affirmations «inexactes»: l'Ordre des pharmaciens démonte point par point un rapport sur lequel se base le gouvernement pour réformer la profession, assurant que son monopole est déjà entamé.
L'organisation en profite pour mettre en ligne ce rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), remis en mars 2013 mais gardé secret: «contrairement à l'IGF et au gouvernement, nous nous situons dans la transparence», justifie sa présidente Isabelle Adenot.
Le ministre de l’Économie Arnaud Montebourg doit présenter en septembre un projet de loi sur le pouvoir d'achat, qui doit libéraliser 37 professions réglementées: huissiers, kinésithérapeute, auto-école, notaires, architectes, plombiers. François Hollande a promis vendredi de faire des «annonces» la semaine prochaine, notamment sur les professions réglementées.
Ces professions, dont l'accès est limité par des diplômes ou la nécessité de racheter des charges existantes, pratiquent des tarifs règlementés et/ou ont un monopole pour certains actes.
Bercy s'appuie sur les conclusions de l'IGF qui, pour baisser les prix, suggère entre autres d'étendre aux grandes surfaces la vente de médicaments sans ordonnance ou non remboursables - réservée aux pharmacies. Une ouverture qui permettrait de «rendre» 400 millions d'euros de pouvoir d'achat aux Français.
Faux, assure l'Ordre dans une réponse publiée vendredi sur son site, affirmant que le prix de ces médicaments a progressé moins vite que l’inflation.
Une note, produite en annexe, analyse l'évolution des prix des produits non remboursables entre 2009 et 2013. Parmi les 20 premières références vendues en 2013, 19 ont eu une augmentation moyenne annuelle inférieure à la hausse du coût de la vie depuis 2009, relève l'Ordre.
Par exemple, le prix moyen du citrate de Betaïne a baissé de 0,3% en moyenne par an, celui de l'Humex Rhume de 0,7% et de l'Efferalgan Vitamine C de 0,2%.
En outre, délivrer des médicaments à ordonnance facultative ailleurs que dans les pharmacies représente un «danger pour la population», fait valoir l'Ordre.
- Rapport «obsolète» -
Plus globalement, le rapport «est entaché par des erreurs dont le nombre et l'ampleur est édifiant et oblige à se poser la question du sérieux du travail de l'IGF», selon lui.
L’IGF indique par exemple que les médicaments non remboursables ont un taux de TVA de 5,5%, alors que ce taux a été porté à 7% en 2011, rappelle l'organisation de pharmaciens.
De même, le rapport de l'inspection recense 25.107 officines en 2010 alors qu'il y en avait 22.386, selon elle.
L'Ordre rappelle aussi que les pharmacies partagent déjà leur monopole sur certains produits. C'est par exemple le cas pour les pansements ou le sérum physiologique.
En mars, la loi sur la consommation a permis aux grandes surfaces de vendre des tests de grossesse ou des solutions pour lentilles de contact.
Quant aux médicaments non remboursés, l'Autorité de la concurrence s'était montrée favorable en décembre à une ouverture du marché mais le gouvernement avait refusé de briser le monopole des pharmaciens sur ce point.
Invité à réagir, Bercy a indiqué à l'AFP que la concertation était toujours «en cours» et rappelé que les organisations de pharmaciens avaient été reçues fin juillet.
«Le problème du rapport de l'IGF, c'est qu'il est obsolète car il a été écrit à l'automne 2012. Depuis, le gouvernement a réalisé un nombre important de réformes» qui ont transformé les pharmacies, a expliqué à l'AFP Philippe Besset, vice-président de la FSPF, syndicat majoritaire, sans remettre en cause les remarques de l'Ordre.
Outre l'autorisation récente de la vente de médicaments sur internet, la rémunération des pharmaciens a aussi évolué: moins dépendante des prix des médicaments, elle valorise désormais leurs missions de conseil.
En juillet, le ministère avait demandé aux organisations de pharmaciens de réagir au rapport de l'Igas. Après l'Ordre, la FSPF transmettra à son tour ce vendredi sa réponse, contenant 20 propositions, selon M. Besset, qui espère une prochaine réunion au ministère pour en discuter.
D'autres professions réglementées, comme les huissiers, avaient regretté de ne pas avoir bénéficié du même traitement, n'ayant pas toutes été consultées.