Var : Un réseau d’armes fabriquées en impression 3D et « efficaces à 95 % » démantelé
Ce n’est pas un jouet•L’unité cyber de la gendarmerie a remonté et démantelé une organisation de trafiquants d’armes fabriqués en impression 3D. Une première en France. Quatorze individus ont été interpellés et un mandat d’arrêt émis contre le chef présuméAlexandre Vella
L'essentiel
- La police française a arrêté quatorze personnes pour la fabrication et la vente illégales d’armes à feu imprimées en 3D. Des enquêteurs spécialisés ont infiltré un réseau sur Telegram qui vendait ces armes pour 1.000 à 1.500 euros en cryptomonnaies.
- « C’est l’ubérisation du trafic d’armes », a déclaré le procureur de Marseille Nicolas Bessone, en référence au fonctionnement décentralisé de ce réseau qui permet à n’importe qui de fabriquer et vendre des armes.
- Les armes saisies sont efficaces à 95 % comme des armes conventionnelles et les progrès en impression 3D permettent de les fabriquer facilement à partir de 150 euros, s’alarme le colonel Hervé Petry.
Elles semblent si légères. Presque pareil à des jouets mais dont la létalité ne fait aucun doute. Des enquêteurs de l’unité cyber de la gendarmerie ont remonté et démantelé un réseau de trafiquants d’armes fabriquées en impression 3D, une première en France. « C’est l’ubérisation du trafic d’armes », a estimé Nicolas Bessone, le procureur de Marseille.
Quatorze personnes, âgées de 18 ans à une trentaine d’années, ont été interpellées dans cinq régions différentes (Paca, Grand-Est, Bretagne, Île-de-France, Midi-Pyrénées) lors d’une vaste opération qui a mobilisé 165 militaires. Un mandat d’arrêt européen a été émis contre le chef suspecté de cette organisation, réfugié en Belgique après avoir quitté Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, d’où les gendarmes ont démarré leur enquête « physique » après avoir infiltré des boucles de discussions Telegram identifiées via le dark web. Sept armes imprimées, 24 armes conventionnelles et huit imprimantes 3D ont été saisies lors des perquisitions chez les administrateurs, leurs relais, chargés de fabriquer et d’expédier les pièces, et les acheteurs.
Des individus avec « une idéologie pro armes, venue des Etats-Unis »
Les individus mis en cause, dont six ont été écroués, présentent « un profil libertarien », a détaillé le procureur de la République. Les armes proposées à des prix entre 1.000 et 1.500 euros payés en cryptomonnaies, expédiées et livrées en pièce détachées, sont issues du modèle « FGC 9 ». FCG pour « Fuck gun control », (J’emmerde la législation sur les armes) et 9 pour le calibre, de 9 mm que tirent ces armes de qualité « bonne, voire très bonnes », a commenté le colonel Hervé Petry. « Ce qui caractérise ces individus, c’est leur idéologie pro armes, venue des Etats-Unis. Il y a une volonté de diffuser les armes au plus grand nombre, contre un Etat jugé totalitaire et oppressant », a poursuivi le chef des opérations cyber de la gendarmerie.
Un trafic naissant qui inquiète d’autant plus que pris individuellement, les éléments qui une fois assemblées constituent l’arme – une crosse, un canon, des vis, un ressort, etc. –, ne sont pas forcément des infractions et que la létalité de ces armes, avec « une efficacité proche de 95 % à celles d’origines », n’est plus à démontrer. Beaucoup de progrès ont été faits sur ces armes maisons depuis le pistolet « Liberator », dont les plans ont été publiés il y a bientôt dix ans.
En pratique, il suffit d’acheter une imprimante 3D, accessibles à partir de 150 euros, des fils de polymère, acquérir le fichier avec le plan, et avoir la bonne recette. Un processus de fabrication que les administrateurs du réseau pouvaient également monnayer.
Pour mémoire, et sans lien avec ce réseau de trafiquants d’armes, un pistolet d’impression 3D a été retrouvé cet été après une tentative d’assassinat ratée à Marseille.